Revue - Gazette du Palais - N°34 du 06 octobre 2020 - 43

Jur ispr ude nc e

IV. RESPONSABILITÉ ET DISCIPLINE
Refus d'être commis d'office par un président de cour d'assises 388e0

1

L'essentiel La juridiction disciplinaire doit apprécier
in concreto si le refus d'un avocat de déférer à la commission d'office, par un président de cour d'assises, constitue
une faute déontologique.
Cass. 1re civ., 20 mai 2020, nos 18-25136 et 19-10868, M. K.
c/ Procureur général près la cour d'appel de Douai et a., FS-PBI
(cassation CA Douai, 21 nov. 2018), Mme Batut, prés. ; SCP
Waquet, Farge et Hazan, Me Bouthors, av.

D

ans le cadre d'un appel
de cour d'assises, lors
Bertrand de BELVAL
de l'ouverture des débats,
et Jean VILLACÈQUE
les deux avocats de l'accusé
(l'un désormais garde des
Sceaux  !) avaient décidé de se retirer avec l'accord de
leur client. Le président avait alors commis d'office un
nouvel avocat qui invoqua sa clause de conscience prévue à l'article 9 de loi n° 71-1130 du 31 décembre 1991
qui énonce : « l'avocat régulièrement commis d'office (...)
ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses
motifs d'excuse ou d'empêchement par le bâtonnier ou le
président ». Mais le président rejeta les motifs de l'avocat
confirmant sa désignation. L'avocat maintint cependant
son opposition et ne se présenta pas à l'audience. Passée
la session d'assises, le parquet général engagea une procédure disciplinaire. Relaxé par le conseil de discipline,
l'avocat fut condamné à une peine d'avertissement par la
cour d'appel de Douai.
Note par

C'est cet arrêt qui est censuré par la Cour de cassation
(Cappello  A., Lexbase avocats 4  juin 2020, n°  304) aux
motifs « qu'il incombe au juge, saisi de poursuites disciplinaires contre l'avocat qui n'a pas déféré à une commission
d'office, de se prononcer sur la régularité de la décision du
président de la cour d'assises rejetant les motifs d'excuse
ou d'empêchement qu'il avait présentés pour refuser son
ministère et, par suite, de porter une appréciation sur ces
motifs ». En l'espèce, « pour prononcer la sanction disciplinaire de l'avertissement contre M. K., après avoir relevé
que celui-ci avait invoqué, notamment, l'animosité de
l'avocat général occupant le siège du ministère public, un
calendrier de procédure établi sans consultation préalable
des avocats de la défense et la volonté de la présidente
de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats
choisis, l'arrêt [soumis à la censure de la Cour de cassation] retient que ces arguments ont déjà été rejetés par
l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation
du 24 juin 2015, qui a validé la procédure à l'égard de l'accusé, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision de la
présidente de la cour d'assises de ne pas retenir les motifs
d'excuse présentés par M. K. (...). En statuant ainsi, alors
que, pour apprécier le caractère fautif du refus de l'avocat de déférer à la commission d'office, il lui incombait de
procéder elle-même à l'examen des motifs d'excuse ou
d'empêchement invoqués par ce dernier, la cour d'appel a
méconnu son office et violé les textes susvisés ».

En substance la question de fond est la suivante : la juridiction disciplinaire doit-elle contrôler les motifs du refus de
la commission d'office, ou se borner à entériner l'appréciation du président des assises ? À bon droit, la Cour de
cassation considère qu'il appartient à la juridiction disciplinaire de qualifier l'existence d'une faute déontologique,
excluant son automaticité, par le seul fait du non-respect
de la commission présidentielle.
S'il est dans les attributions du président de la cour d'assises de commettre un avocat, avec possibilité pour ce
dernier de faire valoir ses motifs d'empêchement, il appartient également à ce magistrat d'examiner in concreto
« les motifs d'excuse ou d'empêchement » de ce refus.
On sait que le principe de la commission d'office veut que
l'avocat désigné s'exécute. Or, en l'espèce, parce qu'il avait
persisté dans son refus, le parquet général estimait qu'il
y avait manquement à ses obligations déontologiques. Si
en effet l'avocat reste maître de ses choix, la commission
d'office est vidée de sa substance. Pour autant, la Cour de
cassation juge que ce refus ne constitue pas, ipso facto,
une faute. Elle estime qu'il importe à la juridiction disciplinaire de contrôler les motifs invoqués par l'avocat. Il
peut donc s'ensuivre une contradiction entre le refus du
refus par le président, et l'absolution par la juridiction
disciplinaire. Il est heureux que la Cour de cassation ait
préservé la compétence spéciale des juridictions disciplinaires, qui ne sauraient être réduites à des chambres
d'enregistrement. C'est à elles et elles seules de statuer
sur l'éventuelle faute de «  l'avocat objecteur  », selon
l'heureuse expression d'un auteur (Botton A., « Cour d'assises, refus de commission d'office et faute de l'avocat :
la nécessité d'une appréciation propre du juge disciplinaire », JCP G 2020, 917, p. 1408). Il en va des garanties
de la défense, de la motivation de la décision, des voies de
recours.
Mais on voit bien que la situation est complexe. D'un côté,
la Cour de cassation préserve légitimement le pouvoir des
juridictions disciplinaires, mais de l'autre elle affaiblit la
portée de la commission d'office. L'enjeu devant la juridiction criminelle est si important que la désignation d'un
défenseur pour l'accusé est impérative et comme la défense est un droit fondamental, l'avocat commis doit être
conscient des devoirs qui découlent de son serment ; il ne
peut prétendre s'y dérober qu'en invoquant d'impérieuses
raisons. Mais se pose alors la question de la préparation
du dossier, c'est-à-dire du temps : un procès d'assises ne
s'improvise pas, ce n'est pas un match de football où l'on
fait entrer des remplaçants !
Ne faudrait-il donc pas modifier la procédure de commission d'office aux assises ? Si l'avocat doit motiver son
refus, que le président fasse de même (Mastor W., L'art de
la motivation, substance du droit, 2020, Dalloz) permettant
ainsi un contrôle immédiat par une collégialité (la chambre
de l'instruction ?). Mais est-ce réaliste quand on sait qu'en
cette matière, le temps presse ? La solution la plus simple
ne consisterait-elle pas, sur saisine du président des
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