Mémentos LMD - Procédure civile 2016-2017 - 13e - 259

CHAPITRE 7 - Les voies extraordinaires de recours 259 interdisant l'accès au juge »19. Cette solution, qui prend appui sur le droit au procès équitable, est parfaitement justifiée : on ne saurait reprocher à un individu de s'être conformé au droit applicable au moment où il a agi, et de n'avoir pas anticipé un éventuel revirement de jurisprudence ! Mais la rétroactivité de la jurisprudence doit jouer si d'impérieux motifs d'intérêt général justifient qu'il soit porté atteinte à un droit fondamental. 2 * LA TIERCE OPPOSITION La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d'un tiers qui l'attaque (art. 582 et s., CPC). Sans doute, un jugement n'a qu'une autorité relative de la chose jugée et ne peut prononcer de condamnation à l'encontre de tiers. Néanmoins, l'exécution d'une décision modifie la situation juridique de la partie concernée, et le tiers qui entretient des relations juridiques avec cette partie peut voir ses intérêts lésés puisqu'il ne saurait nier la modification judiciairement prononcée, qui lui est opposable. Il peut donc remettre en question les points jugés en fait et en droit pour défendre ses droits20. A - La recevabilité de la tierce opposition Tout jugement est susceptible de tierce opposition, quelle que soit la juridiction qui a statué, ou la nature contentieuse ou gracieuse de la décision. Les exceptions résultent de dispositions légales expresses. Elles restreignent les possibilités de tierce opposition, en raison de la matière du litige (par ex. contre le jugement d'adoption, la tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants, art. 353-2, C. civ.). Pour la jurisprudence, lorsque la loi interdit la tierce opposition, sa recevabilité doit néanmoins être admise lorsque le tiers invoque un excès de pouvoir du juge21. Seuls les tiers, qui n'ont été ni parties, ni représentés en première instance ont qualité pour agir. La notion de représentation a soulevé des difficultés en jurisprudence. Généralement, une conception large de la représentation est adoptée, afin de limiter les possibilités de tierce opposition : elle concerne les cas de représentation légale, conventionnelle et judiciaire classiques, mais aussi les situations de communauté d'intérêts entre l'une des parties et une autre personne (par ex. la caution est censée avoir été représentée par le débiteur dans le procès qui oppose ce dernier à son créancier). La Cour de cassation s'oriente vers une meilleure protection des intérêts des personnes dont les droits sont affectés par un jugement rendu à l'issue d'une procédure à laquelle elles n'ont pas pu participer pour se défendre. Ainsi, la 2e Chambre civile de la Cour de cassation a décidé que « la communauté d'intérêts ne saurait suffire à caractériser cette représentation »22. La Chambre commerciale a -- 19. Ass. plén., 21 déc. 2006, JCP 2007, II, 10111, note Lagarde, à propos de l'interruption de la prescription en matière d'infraction de presse. 20. Informé de l'existence du procès, le tiers peut intervenir à l'instance pour défendre ses intérêts ; après le prononcé du jugement, il lui reste la tierce opposition. 21. Com., 25 janv. 1994, D. 1994, 325, rapp. Pasturel ; ibid. 379, Derrida ; CA Aix-en-Provence, 15 nov. 1993, JCP G 1994, I, no 3785, no 6, Wiederkehr ; Rev. Justices, 1995, no 1, p. 250, Wiederkehr. 22. Civ. 2e, 5 mai 1993, Bull. civ. II, no 169 ; D. 1993, IR 148 ; JCP G 1993.II.22171, Du Rusquec.

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