Amphi LMD - Cours de droit spécial des sociétés 2016-2017 - 2e - 317

318 Partie 2 - Le droit spécial des sociétés dans l'ordre international 1184 - Formulation de l'approche fonctionnelle. Une étude reposant sur une analyse substantielle des mécanismes offshore révèle qu'ils sont des éléments de montages permettant à un agent d'obtenir un rattachement construit à une législation d'élection. Par ce biais, l'agent va éluder en tout ou partie les dispositions impératives appelées à le régir dans son territoire de situation. Sous ce rapport, les mécanismes offshore concrétisent les pratiques de law shopping sans délocalisation effective de l'agent. Cette approche fonctionnelle correspond d'ailleurs à l'étymologie du terme, puisque l'expression offshore désigne ce qui est à l'écart du rivage, au large, et, par extension, ce qui a une portée extraterritoriale. La formule est d'ailleurs sans ambiguïté, dans la mesure où les entités concernées ne peuvent traditionnellement avoir d'activité dans le territoire d'enregistrement sous peine de ruiner son économie. 1185 - Exemple 1. Une entreprise française, soumise en tant que telle à l'IS au taux de 33,33 % sur l'ensemble de ses bénéfices, cède un brevet à une filiale étrangère ou constitue une centrale d'achat à l'étranger. Par le biais des redevances payées en contrepartie de l'utilisation du brevet ou du prix d'achat des biens à la centrale, cette entreprise va délocaliser une partie de sa matière taxable vers des territoires où - par définition - celle-ci sera moins, voire pas, imposée. Il n'est ni nécessaire ni conseillé que ces filiales soient enregistrées dans des paradis fiscaux au sens institutionnel du terme, car l'entreprise française serait alors soumise, le cas échéant, à des mesures plus rigoureuses en termes de contrôle, voire subirait des pénalités financières. L'entreprise française aurait donc plutôt intérêt à recourir : - dans le premier cas (cession de brevet à une filiale étrangère), à une filiale irlandaise, par exemple - c'est le cas d'Apple ; - dans le second cas (constitution d'une centrale d'achat à l'étranger), à une société établie à Madère, en Roumanie ou au Royaume-Uni... 1186 - Exemple 2. Un couple souhaite exercer une activité économique dans son pays en protégeant son patrimoine contre les poursuites d'éventuels créanciers. Or, il ne souhaite pas satisfaire à l'exigence de capital minimal ni aux diverses obligations qu'impose son droit national en matière de constitution de sociétés à risque limité. Ce couple va donc incorporer une société à l'étranger et exercer l'activité projetée par le biais d'une succursale. Ce couple aura alors intérêt à recourir à la législation d'un État membre de l'Union afin d'invoquer la liberté d'établissement en cas d'opposition de sa législation nationale, qui invoquerait quant à elle la fraude à la loi (affaire Centros) ou qui lui opposerait la théorie du siège réel (affaire Uberseering). Mieux même, le droit européen lui permet de ne pas se voir opposer une loi de police, au prétexte que celle-ci rendrait moins attrayante la liberté d'établissement (affaire Inspire Art), ladite loi fût-elle motivée par la nécessité de respecter une règle « jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou

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