Les Carrés Rouge - L'essentiel des grandes décisions du Conseil constitutionnel 2017-2018 - 1re - 145

CHAPITRE 10 - Les exigences constitutionnelles liées à la temporalité
rétroactives s'accompagne désormais d'une mise en garde : la nouvelle norme ne doit jamais supprimer les « garanties
légales » des exigences constitutionnelles, elle ne peut effacer les dispositions législatives qui assurent la garde, la
surveillance des règles constitutionnelles. Modeste protection... mais protection tout de même. Sur cette base, le juge
constitutionnel a censuré plusieurs dispositions fiscales rétroactives en jugeant que l'intérêt général invoqué par le
législateur n'était pas « suffisant » (nº 404 DC).
Mais la principale évolution a lieu avec la décision du 29 décembre 2005 : à l'occasion de l'examen de la loi de finances
pour 2006, le Conseil étoffe son considérant de principe et évoque pour la première fois la notion de « situations légalement acquises ». Cette formule un peu énigmatique combine deux expressions bien connues du droit transitoire : les
« droits acquis », notion présente depuis longtemps dans la jurisprudence de la Cour de cassation, et les « situations
juridiques », expression chère à Roubier. En pratique, l'idée de « situations légalement acquises » permet au Conseil de
protéger des actes et des faits juridiques constituées « légalement » sous l'empire d'une ancienne loi en empêchant le
législateur d'anéantir ces situations, sauf s'il justifie d'un intérêt général suffisant. Il ne s'agit pas nécessairement de
lois rétroactives puisque le Conseil vise aussi les lois d'application immédiate ayant des conséquences sur les situations
en cours (par ex. un procès).
Cette jurisprudence des « situations légalement acquises » a été réitérée à de nombreuses reprises, parfois sans reproduire le considérant dans son ensemble, parfois même en combinaison avec le grief tiré de l'atteinte aux « contrats en
cours ». Il reste que les censures sont rares : seulement deux pour une vingtaine de décisions ! (nº 662 DC et 718 DC).
Une évolution du considérant des « situations légalement acquises » apparaît en 2013. Depuis la décision du
19 décembre 2013 (nº 682 DC), le Conseil interdit au législateur de remettre en cause non seulement les situations
passées, mais aussi « les effets qui peuvent légitimement être attendus » de ces situations. La doctrine a cru déceler,
dans cette nouvelle formule, la consécration implicite du principe de confiance légitime. Le Conseil ne le dit pas clairement et s'en défend même dans ses commentaires « officiels », mais il est vrai que cette jurisprudence se rapproche
beaucoup de la confiance légitime telle qu'elle apparaît notamment dans la jurisprudence allemande.

Pour aller plus loin
* Cons. const., 13 août 2015, nº 718 DC : application de la jurisprudence des « effets qui peuvent légitimement être
attendus de situations légalement acquises » ; le Conseil constate l'atteinte au principe, mais il valide le dispositif législatif en raison des motifs d'intérêt général présents dans la loi.

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