Les Carrés Rouge - L'essentiel des grandes décisions du Conseil constitutionnel 2017-2018 - 1re - 151

CHAPITRE 10 - Les exigences constitutionnelles liées à la temporalité
quelque nature que ce soit..." ; qu'il résulte de ces dispositions que la réduction de la durée légale du travail effectif
s'appliquera aux entreprises et établissements ci-dessus énumérés, aux échéances fixées selon l'effectif de salariés qu'elles
comportent ; qu'en dépit des contraintes qu'elle fait peser sur les entreprises, cette règle nouvelle ne porte pas à la liberté
d'entreprendre une atteinte telle qu'elle en dénaturerait la portée, alors surtout qu'il ressort des travaux préparatoires que
sa mise en œuvre s'accompagnera de mesures "d'aide structurelle" aux entreprises ;
29. Considérant, enfin, que le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus
une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des
droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ; qu'en l'espèce, les incidences de l'entrée en vigueur des articles 1er et 3 de la
loi déférée sur les contrats de travail ainsi que sur les accords collectifs en cours, lesquelles sont au demeurant inhérentes
aux modifications de la législation du travail, ne sont pas de nature à porter une telle atteinte à cette exigence ; que le
grief doit donc être écarté ; (...)

■ Faits
En 1998, la France est divisée entre ceux qui souhaitent abaisser la durée hebdomadaire du travail, au nom de la lutte
contre le chômage, et ceux qui voient dans cette mesure une fausse bonne idée. Au terme d'âpres débats parlementaires et de milliers d'amendements déposés par l'opposition, le gouvernement Jospin réussit finalement à imposer ses
« trente-cinq heures ». En creux, une question redoutable se pose : la nouvelle durée hebdomadaire du travail peut-elle
s'appliquer immédiatement et modifier tous les contrats de travail conclus sous l'empire de la loi antérieure ? Oui
répond le Conseil... mais dans une mesure limitée !

■ Portée
« Le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une
gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789 » : par cette formule un peu énigmatique, le Conseil admet pour la première fois en
1998 que la liberté contractuelle bénéficie d'une protection constitutionnelle. Non pas la liberté contractuelle de créer
un contrat, de lui donner vie, mais la liberté contractuelle qui consiste à protéger les contrats en cours, les contrats
déjà signés, la « pérennité contractuelle » (Gahdoun, 2006). L'idée de pérennité signifie que les conventions conclues
en toute légalité sous l'empire de la législation précédente ne peuvent être bouleversées par les nouvelles lois, sauf si
le législateur justifie d'un motif d'intérêt général. La doctrine du droit transitoire évoque dans ce cas le « principe de
survie de la loi ancienne en matière de contrats » (P. Roubier, 1929). L'idée est bien celle-là : les dispositions
remplacées par la nouvelle législation doivent « survivre » et continuer de régir, au moins pendant un temps, les
conventions signées sur la base de l'ancienne législation.
Après cette décision, une première censure est intervenue le 7 décembre 2000 (nº 436 DC). Il était question, en
l'espèce, de contrôler la loi « solidarité et renouvellement urbains » dont l'une des dispositions prévoyait que les logements conventionnés appartenant aux filiales immobilières de la Caisse des dépôts et consignations (des personnes
privées) continueraient à faire l'objet du régime applicable en matière de logement à loyers modérés (plafonnement
des loyers, conditions de ressources, etc.) au terme des « conventions HLM » conclues entre l'État et les sociétés
privées. Concrètement, même sans contrat passé avec l'État, les logements en question restaient des logements
« HLM », par conséquent moins chers et plus accessibles aux personnes sans ressources. La véritable difficulté concernait, en réalité, l'application temporelle de la loi. Celle-ci s'appliquait non pas aux conventions futures, mais à tous les
biens conventionnés « au 30 juin », c'est-à-dire près de six mois avant l'entrée en vigueur du nouveau régime. Attentif
aux arguments des requérants, le Conseil invalide la loi et précise que « la disposition critiquée n'apporte pas, en

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