Les Carrés Rouge - L'essentiel des grandes décisions du Conseil constitutionnel 2017-2018 - 1re - 185

CHAPITRE 12 - La protection constitutionnelle du principe d'égalité
de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone ; que, par leur importance, les régimes
d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée sont contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement
climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
83. Considérant qu'il s'ensuit que l'article 7 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution (...) »

■ Faits
Le projet de budget pour 2010 avait institué une taxe carbone dont la finalité était de limiter les gaz à effet de serre.
Dans cette décision Taxe carbone, le Conseil censure le dispositif, non pas sur le principe même de la taxe, mais parce
que les régimes d'exemption sont trop importants et empêchent, finalement, une lutte efficace contre le réchauffement climatique. Toute la question est donc celle de l'intérêt général mis en avant par le législateur : comment le
Conseil apprécie-t-il cet intérêt général, et peut-il/doit-il exercer un contrôle rigoureux en la matière ?

■ Portée
En jugeant que, « par leur importance, les régimes d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée sont
contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant
les charges publiques », le Conseil associe de façon originale des considérations environnementales et le principe
d'égalité. Pour les juges, si le Parlement peut créer un dispositif visant à enrayer le réchauffement climatique en taxant
les pollueurs, il ne peut, en même temps, assortir le nouveau régime de trop nombreuses exceptions. Le Conseil note
avec une certaine ironie que « 93 % des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle, hors carburant, seront
totalement exonérées de contribution carbone ». Il fait ainsi comprendre au législateur que ces exonérations feront
poser sur le contribuable « normal », consommateur/automobiliste, l'essentiel de l'effort fiscal.
Ce contrôle serré de l'intérêt général en matière d'égalité, dont la décision Taxe carbone est un exemple retentissant,
s'est progressivement développé, dans la jurisprudence du Conseil, à partir de la fin des années 1980.
Dans sa décision du 7 janvier 1988, le Conseil affirme pour la première fois que « le principe d'égalité ne s'oppose pas
à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général » (nº 87-232 DC). Cependant, n'importe
quel motif d'intérêt général ne peut justifier une différence de traitement. Il faut un lien nécessaire, un rapport
logique entre la règle discriminatoire et l'intérêt général précisément poursuivi par l'objet de la loi ; il faut, précise le
Conseil depuis sa décision du 9 avril 1996 (nº 96-375 DC), que les raisons d'intérêt général soient « en rapport direct »
avec l'objet de la loi. Par exemple, la taxe nutritionnelle instaurée en 2012 est contraire au principe d'égalité parce
qu'en « taxant des boissons ne contenant pas d'alcool à des fins de lutte contre la consommation alcoolique des
jeunes, le législateur a établi une imposition qui n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport
avec l'objectif poursuivi » (nº 2012-659 DC). Le Conseil spécifie donc toujours la nature de l'intérêt en cause : « l'intérêt
qui s'attache à la continuité du service public » (nº 87-229 DC), « l'intérêt de la bonne marche de la justice » (nº 80-127
DC), « la préservation de la vocation spécifique du Crédit Agricole au service du monde agricole et rural » (nº 87-232
DC), « la lutte contre la fraude fiscale » (nº 2011-638 DC)... Une fois l'intérêt circonscrit, le Conseil vérifie si la règle
discriminatoire a ou non un lien avec lui.
Et chaque année jurisprudentielle apporte ainsi un lot d'atteintes au principe d'égalité justifiées par un intérêt général
« particulier ».
Ainsi, dans la décision du 14 janvier 1983 (nº 82-152 DC), pour apprécier la constitutionnalité d'une disposition instituant une cotisation sur les boissons d'une teneur en alcool supérieure à 25 pour 100 volumes, le Conseil constate
d'abord que l'objet de la loi est de lutter contre l'usage immodéré des boissons alcooliques, considère ensuite que « le
critère tiré de la teneur en alcool a un rapport avec le but que s'est assigné le législateur », et conclut en conséquence

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