Carnet d'entraînement - Droit administratif général - L'activité administrative - Licence 2 - 1re - 77

rapporteur public (concl. De Salins, RFDA 2009, p. 255), la réunion de ces conditions nécessite
un véritable examen de la demande d'inscription par le conseil départemental de l'ordre, non un
simple constat que leur réunion matérielle. Aussi, l'inscription au tableau ne peut-elle être analysée comme un simple acte « recognitif », la jurisprudence considérant traditionnellement que
le critère de la décision recognitive est, justement, l'absence d'un tel pouvoir d'appréciation (CE,
sect., 15 oct. 1976, Buissière).
Dès lors que le conseil de l'ordre a procédé, deux ans plus tôt, à l'inscription de M. Coulibaly au
tableau des chirurgiens-dentistes de l'Isère, il a utilisé ce pouvoir d'appréciation et édicté ainsi une
décision individuelle susceptible d'être le support de droits acquis au bénéfice de son destinataire.
La seule autre option permettant au conseil de l'ordre de mettre fin à son inscription résiderait dans
la fraude exercée pour son obtention. Il est, en effet, de jurisprudence constante qu'une décision
obtenue par fraude est réputée insusceptible de créer des droits au profit de son bénéficiaire (CE,
29 nov. 2002, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille). Cette règle a été depuis inscrite à l'article
L. 241-2 du Code des relations entre le public et l'administration, qui dispose qu'un « acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ».
Le Conseil d'État a bien entendu vérifié cette exception en l'espèce et relevé que l'inscription de
M. Coulibaly au tableau « au vu et après examen des diverses pièces relatives à sa formation universitaire dont il ne résulte pas que leur production par l'intéressé ait eu le caractère d'une manœuvre
frauduleuse » ne pouvait donc lui être légalement retirée. Aussi, l'acte ne ressortissant pas de la
catégorie des décisions simplement recognitives et n'ayant pas été obtenue par fraude, ne reste
plus qu'une possibilité : « la décision par laquelle le conseil départemental décide d'inscrire un praticien au tableau en application de l'article L. 4112-1 du Code de la santé publique a le caractère d'une
décision individuelle créatrice de droits ».
Ne reste plus à déterminer que la nature des droits acquis conférés par une telle décision, une
identification qui n'avait rien d'évident.

B. L'affirmation conséquente de l'existence de droits acquis
En considérant que « la décision par laquelle le conseil départemental décide d'inscrire un praticien
au tableau (...) a le caractère d'une décision individuelle de droits », le Conseil d'État procède à
une qualification de l'acte, en quelque sorte, par défaut. C'est le sens du raisonnement
suivi par le rapporteur public, avant de considérer qu'en effet, la décision produit des
effets juridiques au profit de son bénéficiaire, essentiellement en lui permettant d'exercer son activité.
Cette position du juge administratif n'est pas exempte de critiques. En procédant ainsi, il
ne saisit pas l'occasion, pourtant attendue, d'éclairer la notion d'acte individuel créateur
de droits, particulièrement floue et incertaine. Il conserve ainsi une démarche essentiellement casuistique et procède à une qualification extensive de tels actes, qui emporte
pourtant des conséquences juridiques importantes.

Lorsqu'elles
sont publiées ou
accessibles, les
conclusions des
rapporteurs publics
sont toujours
extrêmement
éclairantes. Il est
cependant important
de garder en mémoire
deux éléments :
d'abord, ne pas
confondre le discours
du juge (les motifs de
la décision) et celui du
rapporteur public (son
opinion, en son âme et
conscience). Ensuite,
si les conclusions
peuvent vous aider à
expliciter et analyser
la décision, elles
ne vous dispensent
jamais d'une lecture
critique de la position
du juge.

Et c'est au terme d'une démarche semblable qu'il se contente ici d'affirmer que la décision crée
des droits acquis au bénéfice de son destinataire, au détour d'un membre de considérant. En affirmant cela, le Conseil d'État reconnaît que les droits créés par l'inscription au tableau sont intangibles. Ce faisant, il refuse à l'administration la possibilité d'abroger l'acte ultérieurement, lorsque
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