Carnet d'entraînement - Institutions administratives - Licences 1 & 2 - 1re - 31

Effectivement, certaines AAI disposent en premier lieu d'un pouvoir réglementaire. Il s'agit
d'un pouvoir limité et confié par habilitation législative. Toutefois, l'attribution de compétences réglementaires à ces autorités est-elle conforme à la Constitution ?
Le pouvoir réglementaire central est confié au président de la République et au Premier
ministre. Pourtant, le Conseil constitutionnel reconnaît très tôt que l'article 21 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce que le législateur habilite d'autres autorités de l'État, que le
Premier ministre, à détenir une telle compétence (« fixer, dans un domaine déterminé et
dans le cadre défini par les lois et règlements, des normes permettant de mettre en œuvre
une loi »). Certes, il s'agit d'un pouvoir réglementaire d'application de la loi, non autonome.
Toujours est-il que cette possibilité donnée aux AAI relance la question d'une fracture
dans l'exercice d'un pouvoir, par principe confié à l'organe exécutif en vertu de la Constitution. N'y aurait-il donc pas une atteinte, même minime, au principe de séparation
des pouvoirs ? Il semblerait que cette atteinte ne soit qu'apparente, et ce à deux égards.
D'une part, le Premier ministre (article 21 C) ne détient pas l'exclusivité du pouvoir
réglementaire général (article 13 C), ce que reconnaît le juge constitutionnel. D'autre
part, l'exercice du pouvoir réglementaire par les AAI est limité, car conditionné : il
reste soumis à celui du Premier ministre et consiste en « l'édiction de mesures de portée
limitée, tant par leur champ d'application que par leur contenu ». Si l'exercice d'un
tel pouvoir par certaines autorités a pu un temps susciter la controverse, celle-ci semble
désormais réglée et le principe de séparation des pouvoirs, sur ce point, préservé.
Toutefois, d'autres éléments relancent la question d'une telle atteinte. Tel est le cas du pouvoir de sanction. L'attribution, puis l'exercice d'un tel pouvoir par des AAI ont fait l'objet d'un
développement progressif.
Dès 1967, la COB a pu disposer d'un pouvoir répressif. Ce fut par la suite le cas de la Haute
autorité de communication audiovisuelle (1982) et du Conseil de la concurrence (1986). À
partir de 1989, l'exercice de la sanction se propage au profit d'autres AAI.
Deux sortes de sanctions existent : les sanctions à caractère professionnel ou fonctionnel et
les sanctions pécuniaires. Bénéfiques pour réguler les économies de marchés notamment, ces
sanctions posent à nouveau la question d'une atteinte à la séparation des pouvoirs.
Une telle dévolution ne contrevient-elle pas à la Constitution ? Autrement dit, le principe de séparation des pouvoirs n'impose-t-il pas qu'une sanction, qui a le caractère
d'une punition, soit exclusivement prononcée par l'autorité judiciaire ? Une fois de plus,
les interrogations persistent sur l'existence probable d'une brèche dans le principe de
séparation des pouvoirs. Le Conseil constitutionnel met pourtant fin au doute en validant la
possibilité pour les AAI de prononcer des sanctions. Ce pouvoir est néanmoins encadré. En
effet, il ne peut être accordé à l'autorité que « dans la limite nécessaire à l'accomplissement
de sa mission » et il « appartient au législateur d'assortir l'exercice de ces pouvoirs de sanction
de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ».
La sanction doit donc être exclusive de toute privation de liberté. Elle peut être administrative et/ou pénale. Le juge administratif rejoint la position de son homologue constitutionnel
mais précise que les mesures de sanction doivent être précédées d'une mise en demeure préalable. La sanction constitue donc pour les AAI une voie de dernier recours. Les limites juris-

D. n°86-217 DC,
du 18 septembre
1986 à propos de la
commission nationale
de la communication
et des libertés.
CC, 19 janvier 1989
ou Conseil d'État,
16 novembre 1990, SA
La Cinq. Décisions qui
précisent les limites du
pouvoir réglementaire.

Décision n°89-260 DC du
28 juillet 1989, à propos
du Conseil supérieur
de l'audiovisuel.
Les sanctions à
caractère professionnel
restreignent les
activités des opérateurs
concernés ; les sanctions
pécuniaires prennent
la forme d'amendes.
Les AAI disposant d'un
pouvoir de sanction, les
juridictions françaises
ont progressivement
admis qu'elles devaient
respecter l'article 6§1 de
la CEDH, relatif au droit
à un procès équitable.
En vertu de l'article 66 de
la Constitution, seul le
juge judiciaire est garant
de la liberté individuelle.
29

Table des matières de la publication Carnet d'entraînement - Institutions administratives - Licences 1 & 2 - 1re