Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 100

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

10 Cass. crim., 11 mai 2004 (erreur de droit)
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Liliane X... a été renvoyée devant la juridiction correctionnelle pour avoir frauduleusement soustrait deux bulletins de paie et la photocopie de divers documents appartenant à l'entreprise qui
l'employait en qualité de comptable et qui avait décidé de la licencier ;
Attendu que, pour renvoyer la prévenue des fins de la poursuite, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il se déduit que les documents de l'entreprise dont la prévenue avait eu connaissance à l'occasion de ses fonctions et qu'elle a appréhendés ou reproduits sans l'autorisation de son employeur étaient
strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à ce dernier, la cour d'appel a justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi.

■ Faits
Licenciée pour motif économique dont elle contestait le bien-fondé devant le Conseil de prud'hommes, une employée
produisait, dans le cadre de sa défense, des documents qu'elle avait soustraits à son employeur. Poursuivie devant la
juridiction répressive pour cette soustraction, elle plaidait pour sa défense qu'elle n'avait aucunement eu l'intention de
porter atteinte à la propriété de son employeur mais seulement celle de se préserver légitimement des preuves et de les
faire valoir dans le cadre de l'instance prud'homale l'opposant à son employeur. Elle énonçait d'ailleurs, ce qui était
confirmé dans la procédure, que l'inspection du travail auprès de laquelle elle s'était renseignée, lui avait conseillé
d'avoir des « justificatifs » en cas de licenciement et d'instance prud'homale. La Cour d'appel de Nancy accepta la
démonstration et relaxa l'employée. La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par la société employeur.

■ Portée
L'arrêt s'inscrit dans un schéma tracé il y a déjà quelques années. Son intérêt est d'autant plus grand que, sans prendre
le total contre-pied des décisions précédentes, il vient apporter une précision qui jusque-là faisait défaut. Au cours des
dernières années, les juridictions du fond se sont montrées assez tolérantes à l'égard du salarié licencié qui, contestant
la mesure devant le Conseil de prud'hommes, produit pour sa défense la photocopie d'un document appartenant à
son employeur. Cette bienveillance ne trouvait toutefois pas d'écho au sein des magistrats de la Chambre criminelle.
On comprend le sens des mots. Au final, la solution est classique. L'argument de défense se renverse et ne peut
échapper à la qualification de vol. Pour la Chambre criminelle, peu importe « le mobile » qui a pu inspirer l'auteur,
toute soustraction frauduleuse de la chose d'autrui constitue un vol. Pourtant le doute était permis et l'arrêt présenté,
d'une certaine mesure, annoncé. De son côté, en effet, la Chambre sociale, jouant une partition davantage axée sur
les droits de la défense et l'égalité entre les justiciables, a admis qu'un salarié puisse produire en justice un tel document contre son employeur. C'est exactement en se fondant sur cette divergence d'interprétation que la Cour d'appel
de Paris, en novembre 2000, avait pu retenir, au profit d'un salarié, le bénéfice de l'erreur de droit.
Approuver la qualification de vol en présence d'une soustraction frauduleuse de la chose d'autrui est une chose, poursuivre le même raisonnement lorsque la qualification conduit à sanctionner pénalement l'exercice par un salarié de ses
droits de la défense, en est assurément une autre. Il devenait assez singulier d'enseigner que certains grands principes
de la procédure pénale étaient mieux respectés par la Chambre sociale que par la Chambre criminelle. Cet arrêt du
11 mai 2004, a eu l'occasion de préciser à quelles conditions l'exercice des droits de la défense pouvait, en pareilles
hypothèses, justifier les agissements d'un salarié. Ainsi, il appartient aux juges du fond de vérifier que les documents

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