Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 108

L'ESSENTIEL

106

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

1 Cass. crim., 14 avril 2015, nº 15-80858 (application de la loi
pénale dans le temps - suite - application rétroactive
de la nouvelle peine de contrainte pénale)
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel relève que la contrainte pénale ne peut sanctionner que les infractions
commises à partir de l'entrée en vigueur de l'article 131-4-1 nouveau du Code pénal, alors que cette sanction, telle que
définie par le texte précité, constitue une peine alternative à l'emprisonnement sans sursis, applicable, à partir du
1er octobre 2014, aux jugements d'infractions même commises avant cette date, l'arrêt n'encourt pas pour autant la
censure, une peine d'emprisonnement sans sursis n'ayant pas été prononcée.

■ Faits
Le parquet sollicitait, à l'encontre d'une personne poursuivie pour conduite malgré l'annulation de son permis et sous
l'empire d'un état alcoolique en récidive, la peine de contrainte pénale. Les juges s'y refusent, faisant valoir qu'il s'agit
d'une nouvelle peine qui ne peut sanctionner des faits commis avant la promulgation de la loi du 15 août 2014 qui la
crée. L'argument est corrigé par la Cour de cassation qui, se fondant sur son caractère de peine alternative à l'emprisonnement sans sursis, privilégie une application rétroactive de la contrainte pénale. Pour autant elle rejette le pourvoi
formé par le Ministère public dès lors que les juges avaient prononcé une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis
avec mise à l'épreuve.

■ Portée
Instaurée par la loi nº 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation de la peine et renforçant l'efficacité des
sanctions pénales, la peine de contrainte, définie par l'article 131-4-1 du Code pénal, est entrée en vigueur le
1er octobre suivant. Inévitablement la question se posait de son application dans le temps : est-elle susceptible de venir
sanctionner des faits commis avant son entrée en vigueur ? Dans le silence de la loi de 2014 qui ne comporte aucune
disposition relative à l'application dans le temps de cette nouvelle peine, le débat s'est ouvert en doctrine. Pour les
uns, le principe de la non-rétroactivité posé à l'alinéa 2 de l'article 112-1 du Code pénal s'y opposait dès lors que la
contrainte pénale est une nouvelle peine qui ajoute à l'arsenal répressif et durcit par là même le droit applicable.
Cette analyse est celle, en l'espèce, des juges du fond. Pour les autres, la rétroactivité in mitius consacrée à l'alinéa 3
du même texte devait prévaloir, la loi nouvelle étant plus douce que l'ancienne puisque la contrainte pénale constitue,
selon l'article 131-4-1 précité, une peine alternative à la peine d'emprisonnement encourue pour le délit commis (à
l'époque de son entrée en vigueur, la contrainte pénale ne pouvait se substituer qu'à la peine d'emprisonnement d'un
maximum de cinq, plafond qui a disparu depuis le 1er janvier 2017). Cette interprétation, qui s'appuie sur ce que le
législateur avait prévu, en 1975, lors de la création de précédents substituts aux courtes peines d'emprisonnement
(L. nº 75-624, 11 juill. 1975, art. 68, al. 2), rejoint celle préconisée par la circulaire d'application du 26 septembre 2014.
C'est à cette dernière solution que se rallie la Chambre criminelle dans trois arrêts, parmi lesquels celui ici présenté, du
14 avril 2015. C'est parce que la contrainte pénale est une peine alternative à l'emprisonnement que la Cour de cassation affirme qu'elle peut s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur, une peine exécutée en
milieu ouvert étant par essence jugée plus douce qu'une peine conduisant à la privative de liberté. À cet égard, et la
précision revêt toute son importance, la Cour prend en effet soin d'indiquer que la contrainte pénale est une alternative à l'emprisonnement ferme et non pas à l'emprisonnement avec sursis.
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