Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 112

L'ESSENTIEL

110

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 1er févr. 2017, nº 15-84511 (peines
correctionnelles autres que l'emprisonnement ferme -
obligation de motivation)

Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine, qui (...) répondent à l'exigence, résultant des
articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale, selon laquelle en matière correctionnelle toute peine
doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, (...) la
cour d'appel a justifié sa décision.

■ Faits
M. X..., maire d'une commune, a été coupable de provocation à la haine ou à la violence pour avoir tenu les propos
suivants : « Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m'ont mis neuf fois le feu.
Neuf fois des départs de feux éteints par le SDIS dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes. Vous savez ce qu'ils
font : ils piquent des câbles électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes
le feu dans leurs propres caravanes. Un gag ! Ce qui est presque dommage, c'est qu'on ait appelé trop tôt les
secours ! Mais je ne l'ai pas dit, je ne l'ai pas dit. Non mais parce que les Roms, c'est un cauchemar, c'est un
cauchemar ». Condamné à une amende de 10 000 euros ainsi qu'à la privation de son droit d'éligibilité pour une
durée d'un an, l'élu forme un pourvoi en cassation rejeté par la chambre criminelle qui retient que les juges du fond
ont, conformément aux articles 132-1 du Code pénal et 485 du Code de procédure pénale, parfaitement motivé la
peine prononcée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle.

■ Portée
L'individualisation de la peine était au cœur de la loi dite loi Taubira du 15 août 2014. Exprimant cet impératif général,
l'article 132-1 du Code pénal prévoit depuis, dans un alinéa 2, que « toute peine prononcée par la juridiction doit être
individualisée. »
Ce principe n'est toutefois pas nouveau. Il a été explicitement introduit dans le Code pénal, au moment de sa réforme
en 1994, à l'article 132-24 : le juge doit tenir compte des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son
auteur pour déterminer la peine et son régime. Et s'agissant de la peine d'amende, le juge doit tenir compte des
ressources et des charges du condamné.
La loi de 2014, déplaçant les dispositions de l'article 132-24 à l'article 132-1 du Code pénal, a été l'occasion d'apporter
des précisions sur sa mise en œuvre. Désormais le juge doit tenir compte non seulement, comme par le passé, des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur mais aussi, c'est la nouveauté, « de sa situation matérielle, familiale
et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 », qui sont « de sanctionner
l'auteur de l'infraction » et « de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ».
L'évolution rédactionnelle des textes s'est accompagnée d'une évolution jurisprudentielle.
Sous l'empire de l'ancien Code pénal, la Cour de cassation affirmait que « les juges répressifs disposent quant à
l'application de la peine dans les limites fixées par la loi, d'une faculté discrétionnaire dont ils ne doivent aucun
compte ».
L'arrivée du nouveau code n'avait rien changé à cette jurisprudence. La seule exception concernait la peine d'emprisonnement ferme, en application de l'article 132-19 du Code pénal qui exige formellement une motivation.

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