Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 120

L'ESSENTIEL

118

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cons. const., QPC, 29 sept. 2010 (peines complémentaires
obligatoires - art. L. 234-13 du Code de la route - conformité
à la Constitution)

Si, conformément aux dispositions de l'article L. 234-13 du Code de la route, le juge qui prononce une condamnation pour
de telles infractions commises en état de récidive légale est tenu de prononcer l'annulation du permis de conduire avec
interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de conduire, il peut, outre la mise en œuvre des dispositions du
Code pénal relatives aux dispense et relevé des peines, fixer la durée de l'interdiction dans la limite du maximum de trois
ans ; que, dans ces conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 234-13 du Code de la route ne sont pas contraires à l'article 8 de la Déclaration de 1789.

■ Faits
Par un arrêt du 9 juillet 2010, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de
constitutionnalité portant sur l'article L. 234-13 du Code de la route qui impose au juge de prononcer la peine d'annulation du permis de conduire en cas de condamnation à certains délits routiers, en particulier la conduite en état alcoolique, commis en état de récidive légale. Selon le requérant en effet, ces dispositions portaient atteinte aux principes de
la nécessité et de l'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du
citoyen de 1789.
Le Conseil n'y fait pas droit dès lors que le juge, bien que tenu de prononcer cette peine, conserve la faculté d'en
déterminer la durée et garde le pouvoir de décider d'une dispense ou d'un relèvement.

■ Portée
Tandis que les peines accessoires s'appliquent de plein droit sans que le juge n'ait à les prononcer, les peines complémentaires obligatoires, ainsi qualifiées puisque le juge est tenu de les prononcer, ne s'appliquent que si la juridiction les
a effectivement prononcées. Ainsi, les premières procèdent d'une automaticité inhérente à leur nature alors que les
secondes supposent, pour être applicables, d'être expressément mentionnées dans la décision de condamnation. Les
unes et les autres apparaissent toutefois identiquement comme des peines « aveugles » en ce qu'elles s'imposent sans
considération de la situation de la personne condamnée. En effet, dans les deux cas, par l'effet d'une anticipation
abstraite, c'est bien le prononcé de ces peines au vu des circonstances de l'espèce dont le juge est privé dès lors
qu'elles sont soit mécaniquement soit automatiquement attachées à la déclaration de culpabilité.
Sont-elles alors identiquement contraires aux principes de nécessité et d'individualisation des peines et comme telles
contraires à la Constitution ? La jurisprudence du Conseil apporte une réponse négative à cette question. Les peines
accessoires le sont, la décision précédemment commentée en est une illustration. Les peines complémentaires obligatoires peuvent l'être ou ne pas l'être selon le pouvoir d'appréciation laissé au juge. En d'autres termes, c'est la faculté
d'individualisation judiciaire tenant dans l'adaptation, dont le juge reste maître, des modalités d'exécution de la peine
imposée qui permet de préserver la constitutionnalité des peines complémentaires obligatoires. Le pouvoir de modulation de la peine par le juge est ainsi l'élément décisif pour juger du respect ou, à l'inverse, de la violation de l'article 8
de la DDHC.
En l'espèce, si, en application de l'article L. 243-13 du Code de la route, le prononcé de la peine d'annulation du
permis de conduire avec interdiction de le repasser s'impose par le seul effet de la loi, le juge n'en reste pas moins

Table des matières de la publication Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e