Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 124

L'ESSENTIEL

122

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

1 Cass. 1re civ., 19 oct. 1999 (présomption d'innocence - sens)
Vu l'article 9-1 du Code civil ;
Attendu que l'atteinte à la présomption d'innocence consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement.

■ Faits
Monsieur X. avait été placé en garde à vue pour le meurtre de son fils. Le journal le Midi libre, à la suite de la parution
d'un article, était condamné pour atteinte à la présomption d'innocence. Selon la cour d'appel en effet, l'écrit litigieux
« ne pouvait qu'inexorablement entraîner le lecteur à la conviction que l'intéressé ne pouvait être que coupable ». La
Cour de cassation est d'un avis contraire. Retenant que l'article ne contenait pas de conclusions définitives manifestant
un préjugé tenant pour acquise la culpabilité, elle casse l'arrêt d'appel.

■ Portée
Consacrée à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (« tout homme » doit être
« présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable »), la présomption d'innocence a, depuis lors, été érigée
au rang d'exigence fondamentale de la procédure pénale. Ainsi, l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des
droits et des libertés fondamentales énonce que « toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». En droit interne, l'affirmation est reprise, presque mot à mot,
à l'article préliminaire qui « ouvre » le Code de procédure pénale.
Selon ce texte, « toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été
établie. Les atteintes à la présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues
par la loi ». À sa lecture, apparaît d'emblée la double dimension que revêt la présomption d'innocence : une dimension
procédurale d'abord, qui influe sur les modalités de la charge de la preuve, également une dimension « substantielle »,
dans la mesure où la méconnaissance de ce droit subjectif, énoncé par l'article 9-1 alinéa 1er du Code civil (« chacun a
droit au respect de sa présomption d'innocence »), permet d'agir en justice aux fins de prévention (saisine du juge en
référé), de réparation (action en responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil), voire
de répression (notamment les incriminations prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse).
Pour la mise en œuvre de ces sanctions, la difficulté, illustrée par l'arrêt ici présenté, est celle de savoir quand l'atteinte
à la présomption d'innocence doit être considérée comme caractérisée. Car, par définition celui est qui présumé innocent, est « accusé », « suspecté » ou « poursuivi ». Surtout, les nécessités de l'enquête et de l'instruction impliquent,
bien que la culpabilité ne puisse, à ces stades, être affirmée comme certaine, que la présomption d'innocence soit,
dans une certaine mesure, relativisée. Le code lui-même le prévoit. Ainsi la personne contre laquelle « il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction » peut être placée
en garde à vue. L'existence « d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne,
comme auteur ou complice, à l'infraction » permet sa mise en examen. C'est dire que le respect de la présomption
d'innocence ne doit pas être une entrave à l'action des autorités et que la personne présumée innocente n'a pas à
être traitée exactement comme le serait l'homme innocent, auquel le système judiciaire ne reproche rien.
Finalement, la présomption d'innocence occupe une place intermédiaire entre l'innocence et la culpabilité dont l'objet
est d'interdire toute présentation de la personne en cause comme coupable, avant qu'une condamnation définitive

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