Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 150

L'ESSENTIEL

148

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

1 Cass. crim., 22 févr. 2017 (enquête préliminaire : limite
de l'obligation à comparaître)
L'article 78 du Code de procédure pénale ne permet pas à l'officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la
République à contraindre une personne à comparaître par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile, une
telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d'en
apprécier préalablement la nécessité ;

■ Fait
Agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire, des policiers apprenaient qu'une femme, soupçonnée d'avoir participé à des faits de violence avec arme, était probablement hébergée chez un individu. Le parquet délivrait oralement
une autorisation de comparution sous la contrainte, sur le fondement de l'article 78 du Code procédure pénale. Les
policiers se présentaient au domicile de l'individu. En l'absence de tout occupant, ils entraient en fracturant deux fenêtres, montaient au grenier et découvraient des pieds de cannabis. À son retour, l'individu fut placé en garde à vue et
poursuivi pour détention et usage de stupéfiants. Le tribunal, estimant irrégulière l'entrée des policiers dans le domicile
du prévenu, a annulé l'ensemble de la procédure. Tentant de sauver la procédure, le parquet contesta sans succès
cette décision. La cour d'appel de Caen annulait la procédure et renvoyait l'individu à des fins de la poursuite. La
Chambre criminelle « valide » cette solution en soulignant que l'autorisation de comparaître par la contrainte ne
permet pas à l'officier de police judiciaire de pénétrer de force dans un domicile « une telle atteinte à la vie privée ne
pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d'en apprécier préalablement la
nécessité ».

■ Portée
Jusqu'à la loi du 4 janvier 1993, la principale marque de l'enquête préliminaire résidait dans son absence de caractère
coercitif. L'OPJ ne pouvait contraindre une personne à se présenter dans les locaux des services de police. Il en résultait
donc une situation assez paradoxale. Seules les personnes répondant volontairement à une convocation ou celles se
déplaçant spontanément pouvaient être entendues voire mises en garde à vue. Les autres pouvaient, non seulement
paralyser l'enquête préliminaire mais aussi échapper parfois, par là même, à toute possibilité d'être gardée à vue.
Avec la finalité de compenser la disparition en 1993 de la possibilité de placer un simple témoin en garde à vue,
l'article 78 du Code de procédure pénale a instauré, dans l'enquête préliminaire, une part de coercition en imposant
clairement aux personnes convoquées par un OPJ, pour les nécessités de l'enquête, de comparaître. Pour assurer
l'effectivité de cette obligation, l'article prévoit qu'à défaut de s'exécuter d'elles-mêmes, les personnes peuvent y être
contraintes par la force publique (avec l'autorisation préalable du procureur de la République). Remanié depuis à
plusieurs reprises, l'article a conservé cette même philosophie en distinguant les hypothèses avec ou sans convocation
préalable.
Pour autant, la procédure, autorisée par le procureur, permet-elle tous les droits y compris celui de pénétrer dans un
domicile pour appréhender la personne concernée ? Classiquement, et ce de façon quasi-unanime, la doctrine considérait la mesure possible. En pratique, les forces de l'ordre, à la recherche d'un individu défaillant, allaient l'interpeller à
son domicile, « ce qui constitue toujours le moyen le plus efficient de le trouver ». En somme, l'autorisation du procureur légitimait le fait de pénétrer de force dans les lieux clos afin de procéder à l'appréhension d'un individu. Chacun

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