Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 156

L'ESSENTIEL

154

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

4 Cass. crim., 4 janv. 1996 (garde à vue, notification des droits)
Attendu que, pour annuler le procès-verbal d'audition du 17 juillet 1994 ainsi que la procédure subséquente, l'arrêt
attaqué retient qu'en différant le placement en garde à vue au-delà du temps nécessaire au dégrisement, les services de
police ont méconnu les intérêts de Boudjema Y. et ont porté atteinte à ses droits ; Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour
d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ; Qu'en effet, selon l'article 63-1 du Code de procédure pénale,
l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier les droits attachés au
placement en garde à vue dès que la personne concernée se trouve en état d'en être informée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi.

■ Faits
Circulant, le 16 juillet 1994, au volant d'un véhicule, Boudjema Y. renverse à 23 h 30 un piéton. Interpellé quelques
instants plus tard par les policiers, il est soumis à l'épreuve de l'éthylomètre. Le résultat est sans appel. Le test révèle
un taux de 1,09 milligramme d'alcool par litre d'air expiré. Conduit au commissariat de police, l'individu est placé en
cellule de dégrisement. Le lendemain matin, il est entendu sur les faits, par un agent de police judiciaire, de 7 heures
10 à 8 heures 30. À l'issue de cette audition, à 8 heures 35, un OPJ lui notifie son placement en garde à vue à
compter de la veille, 16 juillet, à 23 heures 30 et l'informe de ses droits. L'auteur est alors poursuivi des chefs de blessures involontaires par conducteur en état d'imprégnation alcoolique et de défaut de maîtrise. La Cour de Versailles
annule le procès-verbal d'audition du 17 juillet 1994 ainsi que la procédure subséquente. Elle considère qu'en différant
le placement en garde à vue au-delà du temps nécessaire au dégrisement, les services de police ont méconnu les intérêts du prévenu et porté atteinte à ses droits. C'est le pourvoi formé par le Procureur général contre cet arrêt qui est
rejeté ici par la Chambre criminelle.

■ Portée
Selon les dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale « toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée » de ses droits. À suivre l'adverbe, la notification des droits doit avoir lieu tout de suite. Mais les
magistrats ajoutent que les policiers doivent procéder « dès que la personne concernée se trouve en état d'en être
informée ».
La Chambre criminelle admet donc que des circonstances insurmontables puissent repousser le moment de la notification. Tel est le cas, par exemple, des difficultés à recourir à un interprète, ou encore en raison du siège d'un commissariat par des manifestants empêchant la présentation de la personne retenue à un OPJ. Exiger une notification des droits
au profit d'un individu qui ne comprend pas la langue française ou qui n'est pas en état de la comprendre, entraînerait
les plus grandes critiques. La référence faite par la Cour de cassation à ces situations de fait reste toutefois assez singulière. Il faut accepter que la particularité des faits puisse parfois entraîner des variations de la loi procédurale. En
l'espèce, il est reproché aux policiers d'avoir « auditionné » l'individu pendant 1 h 20 avant de le placer en garde à
vue. Puisqu'il était entendu, il était nécessairement en état d'être informé. La conséquence du retard est importante
puisque celui-ci porte atteinte au droit de la personne et entraîne la nullité de la mesure. Si en l'espèce la formule est
dictée par l'arrêt d'appel, la Chambre criminelle la reprendra à son compte quelques semaines plus tard, dans un arrêt
en date du 30 avril 1996 : « tout retard injustifié dans la mise en œuvre de cette obligation porte nécessairement
atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ». Mutatis mutandis, le schéma se répète en cas de prolongation de
la garde à vue. Il a été jugé que devait être annulée l'audition recueillie postérieurement à la prolongation de la garde
à vue sans que les droits attachés à la prolongation n'aient été notifiés à la personne concernée. Pour la Chambre

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