Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 166

L'ESSENTIEL

164

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

9 Cons. const., 13 août 1993, nº 93-325 (contrôle de régularité
des titres des étrangers)
« En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les
pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France... »
Considérant que les députés, auteurs de la seconde saisine, font valoir que cette disposition prive de garanties légales l'exigence constitutionnelle du respect de la liberté individuelle et porte atteinte au principe d'égalité devant la loi en ce qu'elle
soumet les étrangers à une obligation qui ne s'applique pas aux nationaux ;
Considérant que dans le cadre d'un régime administratif d'autorisation préalable, le législateur est en mesure d'exiger des
étrangers la détention, le port et la production des documents attestant la régularité de leur entrée et de leur séjour en
France ; qu'il peut à cette fin prévoir la possibilité de vérifier la mise en œuvre de ces prescriptions en dehors de la
recherche d'auteurs d'infractions et en l'absence de circonstances particulières relatives à la prévention d'atteintes à
l'ordre public ;
Considérant, d'autre part, que la mise en œuvre des vérifications ainsi confiées par la loi à des autorités de police judiciaire
doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant, dans le strict respect des principes et
règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature qu'elle soit entre les personnes ; qu'il appartient
aux autorités judiciaires et administratives de veiller au respect intégral de cette prescription ainsi qu'aux juridictions
compétentes de censurer et de réprimer, le cas échéant, les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement
à la réparation de leurs conséquences dommageables ; que sous ces strictes réserves d'interprétation la disposition
contestée n'est pas contraire à la Constitution ;

■ Faits
Thématique sensible par nature, la sensibilité est encore plus aiguë lorsque le contrôle vise à vérifier la régularité des
titres autorisant une personne de nationalité étrangère à circuler ou à séjourner en France. Le contrôleur, présumant la
nationalité étrangère du contrôlé, lui demande directement de fournir les titres en question. Chacun mesure le risque
d'une dérive vers un contrôle de « faciès » tout emprunt d'arbitraire et de discriminations.
Avant la loi du 24 août 1993, la Chambre criminelle avait eu l'occasion, dans ses arrêts Bogdan et Vuckovic, de
préciser les modalités d'un tel type de contrôle en exigeant des « éléments objectifs déduits de circonstances extérieurs
à la personne », en somme des signes extérieurs d'extranéité. En l'absence de tels signes, le contrôle d'identité devait
respecter les formes et conditions des contrôles ordinaires d'identité judiciaire ou administratif. Le législateur ayant pris
le parti d'ignorer l'apport de la jurisprudence, l'opposition parlementaire saisi le Conseil constitutionnel. C'est dans ce
contexte qu'il faut apprécier les réserves d'interprétation formulée par le Conseil « la mise en œuvre des vérifications...
doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant, dans le strict respect des principes et
règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature qu'elle soit entre les personnes ».

■ Portée
Pour la doctrine, des nuances existent entre les signes d'extranéité retenus par la Chambre criminelle en 1985 et la
référence aux critères exclusivement objectifs retenue par le Conseil. Chacun doit prendre la mesure de la portée des
réserves d'interprétation exprimées. Selon les dispositions de l'article 62 in fine de la Constitution de 1958, les décisions
du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Ainsi se pose inévitablement la question de la sanction du non-respect des conditions posées à la légalité d'un tel type
de contrôle. Contrôlé alors qu'il n'était pas autorisé à entrer ou à séjourner en France, l'étranger peut-il, le cas
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