Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 180

L'ESSENTIEL

178

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

6 Cass. ass. plén., 9 mai 2008 (action civile des héritiers)
Vu les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 731 du Code civil ;
Attendu que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui
qui l'a causé par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans
son patrimoine, se transmet à ses héritiers ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, que MM. Jacques et Lionel X., parties civiles, demandaient
devant la cour d'appel saisie des seuls intérêts civils, en leur qualité d'héritiers de Antoine X., la réparation des préjudices
matériels et moraux causés par les faits de falsifications de chèques et usage dont leur auteur avait été victime ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, après avoir dit constitués à la charge de Mme Ana Y., renvoyée
devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction du 17 juin 2002, les éléments des infractions de falsifications de chèques et usage, l'arrêt retient que MM. Jacques et Lionel X. ne peuvent être considérés comme victimes
directes de ces faits, alors même que leur auteur, bien qu'il en fût informé, n'avait jamais déposé plainte ni même manifesté l'intention de le faire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à réparation des préjudices subis par Antoine X., né dans son patrimoine, avait été
transmis à ses héritiers qui étaient recevables à l'exercer devant la cour d'appel saisie des seuls intérêts civils, peu important
que leur auteur n'ait pas introduit d'action à cette fin avant son décès, dès lors que le Ministère public avait mis en
mouvement l'action publique et que la victime n'avait pas renoncé à l'action civile, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;

■ Faits
Après le décès de leur père, deux fils se sont constitués parties civiles à l'encontre de l'auxiliaire de vie qui s'était
occupée de lui, reprochant quelques malversations liées à des chèques « emploi-service ». À la suite de cette plainte,
l'action publique était mise en mouvement. Condamnée par le tribunal correctionnel, l'auxiliaire de vie fut relaxée par
la Cour d'appel de Paris. Les magistrats estimèrent que la prévention n'était pas établie et que la constitution de partie
civile des deux frères était irrecevable au motif qu'ils n'étaient pas les victimes directes des faits.
Sur pourvoi, la décision fut cassée et la cour de renvoi, tout en reconnaissant la prévention établie, déclara à son tour
l'irrecevabilité de la constitution de partie civile faute pour la victime directe de ne pas avoir porté plainte de son
vivant. C'est à l'occasion de ce second pourvoi que l'Assemblée plénière a pu ici se prononcer. La solution « sans
appel » donne raison aux héritiers.

■ Portée
En d'autres temps, la jurisprudence opérait une distinction entre le préjudice matériel et le préjudice moral. Seul le
premier, de nature patrimoniale, pouvait être transmissible aux héritiers. Écartant toute distinction en la matière, la
Chambre mixte estima au milieu des années 1970 que les deux formes de préjudice étaient couvertes par l'article 1382
du Code civil. La Chambre criminelle reprend ici la formule en conformité avec les dispositions de l'article 3 du Code de
procédure pénale qui vise les dommages matériels, corporels et moraux. Indifférent à sa nature, le préjudice doit toutefois avoir été directement et personnellement causé à la victime. C'est à cette condition que s'ouvre l'action civile, elle
appartient à ceux qui ont souffert du dommage directement causé par l'infraction. Sur ce point, la particularité de
l'arrêt rapporté est double. L'action n'était pas intentée par la victime elle-même mais par ses héritiers et les faits relevaient l'absence de tout lien entre l'infraction reprochée et le décès. Il paraissait dès lors assez délicat de reconnaître de
prime abord aux deux frères la qualité de victime directe de l'infraction. Cette absence de préjudice personnel
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