Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 51

CHAPITRE 2 - L'infraction
ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de
prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ».
Chacun le constate, sans aucune référence au résultat, la mise en danger constitue un délit. Malgré le bel élan législatif et la leçon de pédagogie voulue par les réformateurs, on pouvait s'attendre à quelques mouvements d'incertitudes. On peut s'interroger sur la manière dont va être apprécié le risque immédiat de mort ou de blessures imposé
par le texte. Ainsi, en matière de circulation routière comme dans les autres domaines, le délit ne semble pouvoir être
constitué qu'à la condition que la violation expose autrui à un risque direct et immédiat. La cour d'appel d'Aix-enProvence avait cru pouvoir faire l'impasse sur cette condition, sa solution a été censurée (arrêt précédent).
On le devine aisément, le caractère immédiat du risque n'est pas chose aisée à cerner. Pour autant, l'immédiateté
semble peu compatible avec une probabilité. C'est pourtant le sens de la décision rapportée ici. Dans cet arrêt, la
Chambre criminelle valide le fait que le degré de probabilité de développer un cancer du poumon ou un cancer de la
plèvre dans les 30 à 40 ans de l'inhalation de poussières d'amiante est certain : « qu'en se déterminant ainsi, par des
motifs qui établissent l'exposition d'autrui à un risque de mort, de mutilation ou d'infirmité permanente, en relation
directe et immédiate avec la violation manifestement délibérée des dispositions du Code du travail, la cour d'appel a
justifié sa décision ». Devant la gravité des faits liés à ce type d'affaire, il est tentant d'admettre une telle solution. Il
est certain, à la lumière des faits rapportés par l'arrêt, que les personnes poursuivies et condamnées ne pouvaient
ignorer les risques qu'elles ont fait courir tant aux salariés qu'aux riverains. Comme on l'a noté, la solution invite les
plaideurs à engager des recours sur ce fondement dans bien des domaines liés à la santé publique. Pour autant, juges
du fond et juges du droit malmènent ici singulièrement le principe de la légalité et son corollaire indispensable celui de
l'interprétation stricte de la loi pénale. En vertu de ce principe, le caractère immédiat exigé par le texte ne peut et ne
doit être tenu pour synonyme de probable. L'infraction semble décidément propice aux « extensions ». La Chambre
criminelle, dans une décision récente relative au monde de l'entreprise, a « validé » une poursuite de mise en danger
d'autrui alors que l'employé victime avait subi une incapacité de travail d'une journée. La qualification peut sembler
guère pertinente en présence du dommage aussi minime soit-il.

Pour aller plus loin
* Cass. crim., 7 janv. 2015 : justifie sa décision la cour d'appel qui, pour condamner pour mise en danger d'autrui
l'employeur d'un salarié ayant eu un malaise, causé par l'inhalation d'hydrogène sulfuré et ayant entraîné un jour
d'incapacité totale de travail, alors qu'il travaillait dans un local équipé d'une ventilation au débit insuffisant, énonce
des motifs établissant l'exposition d'autrui à un risque de mort, de mutilation ou d'infirmité permanente, en relation
directe et immédiate avec la violation, manifestement délibérée et non contestée, de dispositions du Code du travail.

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