Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 58

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 22 mars 1966 (principe de la responsabilité
personnelle)

Attendu que la cour d'appel de Nancy qui, à la suite de la destruction du bâtiment admet implicitement qu'aucune mesure
d'instruction utile ne pouvait être ordonnée, mesure d'ailleurs, qu'aucun chef précis de conclusion ne sollicitait, ne pouvait
que déduire, sans contradiction des éléments de la cause empruntés à l'enquête et aux débats, qu'à défaut de pouvoir
établir une faute personnelle à la charge de l'un quelconque des prévenus, le doute devait bénéficier à tous ; Qu'elle a
ainsi justifié sa décision ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

■ Faits
Quatre jeunes étaient poursuivis du chef d'incendie par imprudence. Il leur était reproché d'être à l'origine de la
destruction d'un bâtiment servant de grange. Ils avaient reconnu avoir fumé à l'intérieur de ce bâtiment et que
l'incendie pouvait avoir été provoqué par des cendres de cigarettes tombées sur le sol couvert de sciure. À l'analyse
des faits, le tribunal de police les condamna tous les quatre. En appel, la cour infirmait cette décision en prononçant
la relaxe au bénéfice des quatre jeunes gens. Pour les magistrats, devant l'impossibilité d'établir à l'encontre de
chacun d'entre eux une responsabilité personnelle, le bénéfice du doute devait l'emporter. En formant le pourvoi, la
société propriétaire du bâtiment entendait contester cette décision. Elle reprochait notamment aux juges du fond de
s'être contentés des premiers éléments de l'enquête et de ne pas avoir ordonné des recherches complémentaires afin
de déterminer la ou les véritables responsabilités. La Chambre criminelle repousse l'argumentation en déclarant la décision nancéenne parfaitement justifiée.

■ Portée
Revêtant dans les temps anciens un caractère collectif, la responsabilité pénale, avec l'apparition de la justice publique,
va devenir peu à peu individuelle. Et le fameux jurisconsulte Loysel d'annoncer : « en crime, il n'y a pas de garant ».
Dès lors, il apparaît naturel que seul celui qui a commis un méfait en répond. Au moment de la Révolution, chacun
s'accorde à reconnaître l'importance d'un tel principe, mais celui-ci, peut-être en raison de sa trop grande certitude,
ne trouve place dans aucun texte. La rédaction du Code pénal de 1810 ne changera rien à cette situation. Mais si le
Code ignore le principe, il ne fait aucun doute qu'il guide le droit de la responsabilité pénale. La Chambre criminelle
pourra d'ailleurs le confirmer au milieu du XXe siècle sans que personne ne puisse en éprouver une quelconque
surprise : « nul n'est responsable qu'à raison de son fait personnel ». L'arrêt présenté s'inscrit dans ce schéma. La
destruction totale du bâtiment empêchant toute nouvelle mesure d'investigation, la faute personnelle de l'un des
jeunes gens devenait impossible à rechercher et à découvrir. Seul le bénéfice du doute pouvait conclure la décision
des juges du fond. Qu'il s'agisse ici d'une infraction d'imprudence ne change rien à la règle. Toute infraction suppose
qu'un auteur ait commis une faute et qu'il existe un lien de cause à effet entre cette faute et le résultat reproché. En
somme, faute d'avoir pu établir une preuve à l'encontre de l'un d'entre eux, les quatre jeunes devaient bénéficier du
doute et être relaxés. Ainsi, deux principes fondamentaux du droit pénal sont respectés - celui de la responsabilité
personnelle pour le droit pénal général, celui de la présomption d'innocence pour la procédure pénale.
On pressent bien les objections d'une telle solution. Soit, l'impossibilité de découvrir l'auteur véritable entraîne la relaxe
de tous et laisse un ou plusieurs auteurs impunis. Soit, il convient de retenir la responsabilité de tous au risque de
condamner un ou plusieurs innocents. Les magistrats s'engagent parfois sur cette seconde voie et préfèrent, au nom
des fautes commises par les participants, retenir la responsabilité de tous. Ainsi, lorsque tous les membres d'un

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