Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 70

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 6 avril 2004 (responsabilité de la personne
morale, délégation de service public)

La Cour,
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, si l'exploitation du service des transports scolaires est susceptible de
faire l'objet d'une convention de délégation de service public, il n'en va pas de même de son organisation, qui est confiée
au département en application de l'article 29 de la loi du 22 juillet 1983, devenu l'article L. 213-11 du Code de l'éducation,
et qui comprend notamment la détermination des itinéraires à suivre et des points d'arrêt à desservir, la cour d'appel a
méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue.

■ Faits
Par convention, le département de l'Orne avait confié à une société de transports, l'exécution du service public des
transports scolaires dans les secteurs ruraux de la circonscription. À proximité d'un point d'arrêt parfaitement adapté,
un autre point de ramassage scolaire ne présentant pas les mêmes garanties avait été maintenu. Ce dernier fut le
théâtre d'un accident mortel. La Cour d'appel de Caen estima, pour condamner la personne morale, que le département avait commis, par son représentant, le président du conseil général, qui avait la maîtrise du choix de l'implantation des arrêts et de la voirie, une faute d'imprudence ayant un lien de causalité avec les dommages. La Chambre
criminelle repousse la solution retenue et casse, sans renvoi, l'arrêt attaqué.

■ Portée
La Chambre criminelle opère ici une subtile distinction entre l'exploitation du service des transports scolaires et l'organisation de ces derniers. Alors que l'exploitation est susceptible d'une convention de délégation de service public, l'organisation ne le permet pas. La distinction est fondamentale puisque les collectivités territoriales et leurs groupements ne
sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de
conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales de droit public n'était pas une chose entendue à l'avance. Lors de la
réforme du Code pénal, le Conseil d'État n'avait pas caché son hostilité à l'admission d'une telle responsabilité pour
des personnes qui sont, par nature, nécessairement dépositaires d'une partie de la puissance publique et disposent
des prérogatives qui y sont attachées. Écartée pour l'État, la responsabilité des collectivités territoriales connaît des
limites. À l'égard des collectivités territoriales (tel est le cas en l'espèce) et de leurs groupements, la responsabilité
pénale est limitée par le second alinéa de l'article 121-2 du Code pénal aux « infractions commises dans l'exercice
d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ». Tout l'intérêt de l'arrêt étudié
était donc là. Il convenait de dire si l'activité pouvait être concédée (par exemple à des personnes morales de droit
privé) ou au contraire si elle était impérativement réalisée par l'exercice de la puissance publique.
Toute la problématique résultait de la limitation et de la définition des activités susceptibles de délégation. À l'origine,
le législateur s'était bien gardé de définir « la délégation ». En vérité, comme on l'a noté, la véritable difficulté pour le
juge pénal « n'est pas tant de savoir ce qu'est une délégation de service public, que de déterminer quelles sont les activités délégables ». Depuis la loi de décembre 2001, dite loi « MURCEF », le législateur a posé une définition. Ainsi, sont
susceptibles de faire l'objet de telles conventions les activités ayant pour objet la gestion d'un service public lorsque, au
regard de la nature de celui-ci et en l'absence de dispositions légales ou réglementaires contraires, elles peuvent être

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