Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 72

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 18 juin 2013 (responsabilité pénale des élus
locaux : la délégation de fait n'entraîne pas transfert
de responsabilité)

Attendu que pour répondre à l'argument des prévenus selon lequel ils n'étaient que de simples élus municipaux sans délégation et que même le comité des fêtes dont ils étaient les co-responsables ne disposait pas davantage d'une délégation
formelle, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, énonce qu'il y a eu en l'espèce délégation de fait de la part de la
mairie ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la délégation de fonctions du maire à un élu, opérant transfert
de la responsabilité pénale, ne peut prendre que la forme d'un arrêté municipal, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

■ Faits
Percutée par un animal à l'occasion d'une course de taureaux lâchés dans les rues, la victime décéda des suites de ses
blessures. Co-responsables du comité des fêtes de la commune à qui avait été déléguée l'organisation de cette manifestation, deux conseillers municipaux furent poursuivis et condamnés du chef d'homicide involontaire par le tribunal
correctionnel de Nîmes. Le jugement fut confirmé en appel. À l'appui de leurs pourvois, les deux conseillers soutenaient
que le maire ne peut déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l'exécution d'une même mission et qu'en application de l'article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales, une délégation de pouvoir doit prendre la
forme d'un arrêté municipal et qu'en l'absence d'un tel arrêté, une simple délégation de fait était impropre au transfert de responsabilité.
La Chambre criminelle entend l'argument et censure l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes.

■ Portée
Les magistrats ont admis très tôt que le dirigeant, dans l'impossibilité de surveiller et d'organiser seul l'ensemble des
activités de son établissement, pouvait déléguer une partie de ses attributions et par là même une part de sa responsabilité. En droit privé, délaissant la jurisprudence ancienne, la Chambre criminelle a élargi, en 1993, le champ de la délégation en précisant que « hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement
pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a
délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ».
À l'image du chef d'entreprise, le maire, qui a en charge la sécurité publique sur le territoire de sa commune en vertu
des pouvoirs de police que lui confère l'article L. 2212-2 du Code des collectivités territoriales, peut engager sa responsabilité pénale. À l'identique, la délégation peut alors apparaître ici comme salvatrice et transférer la responsabilité du
déléguant au délégataire. Encore faut-il, pour qu'il en soit ainsi, que la délégation réunisse les qualités exigées. En
l'espèce, la délégation accordée aux deux conseillers semblait révéler ces qualités. Faute d'être formelle, elle était
attestée par les déclarations des deux hommes qui reconnaissaient avoir la responsabilité de veiller à ce que « les
règles de sécurité soient respectées » et le pouvoir d'autoriser les lâchers de taureaux comme d'interrompre la manifestation si la sécurité n'était pas respectée.
Ainsi, si le maire n'avait pas fait preuve de désinvolture et de désintéressement, il lui était toutefois reproché d'avoir
délégué ses pouvoirs à plusieurs personnes à savoir les deux conseillers poursuivis et le comité des fêtes et de ne pas
avoir formellement, par un arrêté municipal, établit la délégation contestée.
La jurisprudence se montre assez hostile à ce qu'une même mission soit déléguée à plusieurs délégataires. Un
commentateur de cet arrêt notait que ce point aurait pu suffire à entraîner la cassation. La Chambre criminelle le
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