Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 84

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

Cass. crim., 13 oct. 2004, Affaire des paillotes
(commandement de l'autorité légitime)

Attendu que, pour écarter le fait justificatif du commandement de l'autorité légitime, prévu par l'article 122-4, alinéa 2, du
Code pénal, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, après avoir rappelé que Bernard X., préfet de région, était une
autorité légitime au sens du texte précité, relève que Henri Y., colonel de gendarmerie, n'a pu se méprendre sur le caractère manifestement illégal de l'ordre donné, y compris dans une situation de crise exceptionnelle, alors que les destructions
ordonnées devaient se faire de manière clandestine, en utilisant un moyen dangereux sans requérir la force publique pour
assurer la sécurité des personnes et des biens, et en laissant sur les lieux des tracts diffamatoires destinés à égarer les
enquêteurs sur l'identité des auteurs des faits ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués.

■ Faits
Il est des faits divers qui marquent l'actualité et d'autres qui marquent les esprits. À l'évidence, cette affaire, dite « des
paillotes », s'inscrit dans ce dernier registre. Il faut dire que tous les ingrédients étaient réunis. Du théâtre des opérations à la qualité des personnes poursuivies en passant par la particularité des faits, tout conjurait pour que cette
affaire devienne exceptionnelle. En avril 1999, un incendie ravage la paillote « Chez Francis » construite en toute illégalité en bord de mer, au sud du golfe d'Ajaccio. L'enquête révèle la participation à cette destruction de militaires de la
gendarmerie. Rapidement plusieurs gendarmes dont un colonel et un préfet sont mis en cause. Parmi de multiples
moyens de défense et voies de recours soulevés par les uns et les autres, le colonel entendait échapper à sa responsabilité en invoquant qu'il avait obéi à un ordre émanant d'une autorité légitime. Par l'une de ses décisions, la Cour
d'appel de Bastia écarta le fait justificatif invoqué. Invoquée à nouveau devant la Chambre criminelle, la justification ne
reçoit pas davantage la faveur des magistrats.

■ Portée
L'extrait proposé est axé exclusivement sur le moyen de défense soulevé par le colonel de gendarmerie. Selon
l'article 122-4, al. 2 du Code pénal, la personne n'est pas pénalement responsable lorsqu'elle « accomplit un acte
commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». L'autorité légitime visée est nécessairement une autorité publique. À l'évidence, un préfet relève par nature de cette catégorie. L'ordre commandé par l'autorité légitime n'est pas à lui seul une cause de justification. Pour que la justification existe, ici pour que le colonel puisse
bénéficier de l'effet justificatif, il faut que l'ordre donné soit légal. C'est là une disposition de bon sens. Comment une
autorité, aussi puissante soit-elle, pourrait-elle donner l'ordre de violer la loi ? Simples en théorie, les choses sont plus
complexes en pratique. L'obéissance à un ordre illégal est-elle de nature à supprimer l'infraction pour le subordonné ?
Au fil des années, la doctrine est passée de la thèse du respect absolu de l'ordre donné à celle de l'obéissance
raisonnée. Dans le premier cas, l'ordre exécuté, mettait à l'abri l'exécutant de toute responsabilité. Seul le supérieur,
donneur d'ordre, pouvait être poursuivi. Dans le second cas, le subordonné devait refuser l'exécution d'un ordre illégal
sous peine d'engager sa propre responsabilité pénale. C'est la fameuse théorie dite « des baïonnettes » intelligentes. La
théorie suppose que les « baïonnettes » soient en mesure d'apprécier la légalité de l'ordre donné et qu'elles aient vraiment le choix de l'exécuter ou non.
À la recherche d'une voie intermédiaire, la doctrine proposa une conception plus nuancée. Elle fit une distinction selon
que l'illégalité de l'ordre était ou non manifeste. La justification devenait impossible pour l'acte commis en exécution

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