Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 91

CHAPITRE 4 - Les causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale
finalement traduit en cour d'assises, a été acquitté (c'est la célèbre affaire Legras, dite du transistor piégé). Ce qui a
engendré, du même coup, de nouvelles critiques doctrinales.
La doctrine moderne affine la critique qui peut être adressée à la solution de l'arrêt présenté. Un auteur a parfaitement
montré que « la non-intention se caractérise par le défaut de volonté du résultat et non par une absence totale de
volonté dans le comportement ». Aussi, après d'autres, on peut donc imaginer une défense résultant d'un acte volontaire dont le résultat n'aurait absolument pas été voulu.
Le nouveau code n'étant pas plus loquace que le précédent sur le caractère inconciliable entre une infraction involontaire et le bénéfice de la légitime défense, la critique demeure aujourd'hui. D'aucuns appellent de leurs vœux
l'abandon de la jurisprudence Cousinet. Mais à dire vrai, les indices permettant d'espérer cet abandon se font attendre.
Un arrêt de la Chambre criminelle en date du 21 février 1996 mérite toutefois d'être cité ici.
Un arrêt récent ouvre peut-être une première voie vers le changement attendu par certains. Ne pas apprécier la
proportionnalité au regard du résultat de l'acte de défense, tel est le message livré récemment par la Chambre criminelle. À la suite d'un banal accident de la circulation, deux automobilistes se querellent. Pour se défendre, l'agressé
repousse son agresseur qui fait une chute entraînant sa paraplégie. Au regard de ce handicap, la proportionnalité de
la réponse pouvait être sérieusement mise en cause et écartée. Juges du fond et juges du droit ne l'ont pas entendu
ainsi en estimant que la proportionnalité ne s'apprécie pas au regard du résultat de l'acte de défense. Cette solution
paraît difficilement compatible avec la solution classique jusque-là retenue en matière d'imprudence. Comme on peut
l'observer, si la proportionnalité de la riposte s'apprécie sans aucune référence au résultat, la solution dégagée par
l'arrêt Cousinet mérite d'être abandonnée voire sérieusement revisitée. À l'inverse, si l'union entre infraction involontaire et légitime défense doit demeurer interdite, la solution retenue par l'arrêt du 17 janvier 2017 doit aussitôt être
abandonnée. Comme en bien d'autres domaines, une intervention législative ne serait pas superflue. Clarté et précision de la règle ne sont-elles pas deux des exigences principales posées par le principe de la légalité criminelle à
l'égard du législateur. Comment attendre du juge pénal qu'il œuvre en interprétant strictement les textes quand pour
bon nombre de ces derniers les portes de l'interprétation large semblent grandes ouvertes par le législateur ?

Pour aller plus loin
* Cass. crim., 21 févr. 1996 : les magistrats de la Cour souveraine ont validé le bénéfice de la légitime défense alors que
les faits de l'espèce relevaient manifestement d'un acte involontaire. Un coup de feu avait été tiré lors d'un geste de
recul. Sans minimiser cette décision, il faut noter que les magistrats ont gardé le silence sur le caractère non intentionnel de l'acte.
* Cass. crim., 17 janv. 2017 : « Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des
faits, d'où il résulte, d'une part, que le prévenu avait répondu par un acte constitutif de violences volontaires aux coups
de son agresseur, d'autre part qu'il n'existait pas de disproportion entre l'agression et les moyens de défense employés,
peu important à cet égard le résultat de l'action, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 122-5 du
Code pénal ».

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