Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 94

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

7 Cass. crim., 15 nov. 2005 (contrainte, caractère imprévisible)
La Cour, Attendu que les juges, après avoir relevé que l'état de combustion des plaquettes de frein confirmait que
Rositwah X. avait tenté de ralentir la vitesse de la voiture en actionnant le frein à main, retiennent que, selon les témoignages concordants de celle-ci et de deux médecins ayant porté secours à Dirk X. après l'accident, ce dernier a bien,
comme il l'affirme, perdu le contrôle du véhicule à la suite d'un malaise brutal et imprévisible, même si le médecin expert
n'a pu en trouver la cause chez un homme en bonne santé ; que la juridiction du second degré en conclut que le
prévenu, qui a agi sous l'empire d'une contrainte à laquelle il n'a pu résister, n'est pas pénalement responsable des infractions reprochées ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de ses constatations souveraines, la cour d'appel a fait
l'exacte application de l'article 122-2 du Code pénal ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; REJETTE le pourvoi.

■ Faits
Un véhicule était entré à vive allure sur une aire de repos autoroutière provoquant une collision avec plusieurs véhicules
et entraînant la mort de quatre personnes. Poursuivi notamment du chef d'homicides involontaires, le conducteur
arguait pour sa défense qu'il avait perdu toute maîtrise de son véhicule à la suite d'un violent malaise. Pour la
défense, ce malaise, ayant été brutal et imprévisible, permettait au conducteur de bénéficier de la contrainte, entendue
ici comme une cause d'irresponsabilité pénale. La Cour d'appel de Nîmes, après une étude très minutieuse des
éléments de fait ayant conduit à ce dramatique accident, entendit l'argument et prononça la relaxe. Statuant sur le
pourvoi formé par le Procureur général, la Chambre criminelle valide la solution et rejette le pourvoi.

■ Portée
On a dit avec l'arrêt précédent combien les conditions d'admission de la contrainte étaient entendues strictement par
les magistrats. Dans ce concert de sévérité, il est toutefois quelques notes de bienveillance. Tel est le cas de l'arrêt ici
présenté. À dire vrai, la contrainte est assez souvent invoquée par des conducteurs poursuivis. L'argument repose
parfois sur des considérations liées à l'état des routes, les mauvaises conditions météorologiques ou encore sur le
comportement des autres usagers. Il s'agit alors d'invoquer la contrainte d'origine externe. Parfois, c'est la contrainte
interne qui est invoquée. Le conducteur poursuivi plaide alors la maladie ou son état de santé. C'est dans cette perspective que se dessine l'arrêt présenté. Ce n'est pas la première fois que les magistrats retiennent l'argument et fonde
une décision d'irresponsabilité. Ainsi, déjà en octobre 2000, la Cour d'appel de Douai avait prononcé une décision de
relaxe, fondée sur la contrainte, au bénéfice d'un automobiliste qui, ayant perdu la maîtrise de son véhicule, avait
provoqué un accident causant des blessures à des tiers. Les magistrats avaient jugé établi qu'au moment de l'accident
le conducteur avait été victime « d'un malaise et d'une perte de connaissance imprévisibles car ils se manifestaient
pour la première fois ».
Le raisonnement est reproduit ici. Les magistrats nîmois relèvent que même si le médecin expert n'a pu en trouver la
cause chez ce conducteur en bonne santé, c'est bien à la suite d'un malaise brutal et imprévisible qu'il avait perdu le
contrôle de son véhicule et qu'il avait agi sous l'empire d'une contrainte à laquelle il n'avait pu résister. Telle est ligne
directrice de l'article 122-2 du nouveau code : « N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire
d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister ». Irrésistible, la contrainte doit avoir été au surplus
imprévisible. D'origine jurisprudentielle, ce second caractère a suscité quelques débats en doctrine. Le nouveau Code
pénal ayant gardé le mutisme de son prédécesseur, les propos tenus hier restent d'actualité. La contrainte, entendons
seulement la force, ne doit pas avoir été précédée par une faute de celui qui l'invoque. Autrement dit, si l'agent avait
pu ou dû prévoir, il ne pourra bénéficier de la contrainte. D'aucuns s'interrogent sur le fait de pouvoir raisonnablement

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