Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 102

L'ESSENTIEL

100

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

6 Cass. soc., 15 avr. 2015, nº 13-21306
Le contrat comportant une clause de garantie d'emploi ne peut être rompu pendant la période couverte par la garantie
qu'en cas d'accord des parties, de faute grave du salarié ou de force majeure. La clause contractuelle qui prévoyait le
versement d'une indemnité forfaitaire en cas de violation de la garantie d'emploi et qui n'avait pas été stipulée pour tenir
compte de la difficulté pour le salarié de retrouver sa situation antérieure d'expert-comptable libéral, constituait une
clause pénale dont l'indemnité de 36 mois de salaires était manifestement excessive et qui pouvait être réduite par le juge
dans des proportions qu'elle a souverainement évaluées.

■ Faits
Un salarié a été embauché par un contrat à durée indéterminée comportant une clause de garantie d'emploi d'une
période de huit ans. Les clauses du contrat prévoyaient le versement d'une indemnité contractuelle en cas de rupture
à l'initiative de l'employeur pendant la durée de la protection, hors l'hypothèse d'une faute lourde imputable au
salarié. Au cours de la période de garantie, le salarié a été placé en arrêt maladie, puis le médecin du travail a rendu
un avis d'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise, enfin l'employeur a licencié le salarié pour inaptitude. Le
salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement. Les juges ont validé
la clause, écarté la nullité et modéré le montant demandé par le salarié. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de
l'employeur et celui du salarié.

■ Portée
L'arrêt du 15 avril 2015, sans être de principe, résume le régime de la clause de garantie d'emploi. Sont classiquement
qualifiées de clauses de garantie d'emploi, celles qui restreignent, pendant une durée déterminée, le droit par
l'employeur de résilier le contrat de travail à durée indéterminée. Conforme à l'ordre public social, la clause s'analyse
en une obligation de ne pas faire à la charge de l'employeur, sanctionnée par l'attribution d'une indemnité et, parfois,
associée à une indemnité contractuelle de licenciement (assimilée étrangement par la Cour de cassation à une clause
pénale).
Si l'employeur est tenu de respecter l'obligation de stabilité, la faculté de licencier reste une liberté fondamentale. Par
conséquent, l'engagement ne saurait être perpétuel et, même limité dans la durée (sous réserve de sa proportionnalité), absolu. Le contrat peut ainsi être rompu pendant la période couverte par la garantie en cas d'accord des parties,
faute grave du salarié ou force majeure. Ces trois exceptions sont pleinement justifiées. Dès lors que la clause de
garantie d'emploi représente un droit pour le salarié, il peut librement y renoncer en signant une rupture amiable. La
force majeure, entendue restrictivement par la chambre sociale comme la survenance d'un événement extérieur, irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat, exonère l'employeur de toute responsabilité (C. civ.,
art. 1218). Enfin, produit des effets exonératoires identiques à la force majeure la faute grave dès lors que celle-ci
résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant
du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. En
l'espèce, la Cour de cassation précise que « ne procède d'aucune de ces causes, la rupture du contrat pour inaptitude
du salarié trouvant son origine dans la situation de harcèlement moral dont il a été victime ».
S'agissant des sanctions applicables, la violation de la clause de garantie d'emploi entraîne pour le salarié un préjudice
particulier ouvrant droit à des dommages-intérêts équivalents aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme de
cette période de garantie (qui ne peuvent se cumuler avec le revenu de remplacement servi par l'ASSEDIC). Cette

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