Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 16

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

3 Cass. soc., 25 févr. 1988, nº 85-40821
La dénonciation par l'employeur, responsable de l'organisation, de la gestion et de la marche générale de l'entreprise,
d'un usage ou d'un autre accord collectif ne répondant pas aux conditions de l'article L. 132-19 du Code du travail, est
opposable à l'ensemble des salariés concernés, qui ne peuvent prétendre à la poursuite du contrat de travail, aux conditions antérieures, dès lors que cette décision a été précédée d'une information donnée, en plus des intéressés, aux institutions représentatives du personnel, dans un délai permettant d'éventuelles négociations.
Les juges du fond, qui ont retenu que le paiement de la prime de 13e mois était devenu, par voie d'usage, obligatoire dans
l'entreprise, ont constaté que l'employeur avait, en respectant un délai de préavis qu'ils ont estimé suffisant, dénoncé cet
accord, d'abord par des informations données à plusieurs reprises au comité d'entreprise, puis en prévenant les salariés,
abstraction faite du motif surabondant relatif à l'acceptation des salariés.

■ Faits
Plusieurs salariés d'une entreprise ont contesté la suppression du paiement d'une prime du 13e mois, appliquée depuis
20 ans, aux motifs qu'elle était devenue un accessoire du salaire et que toute modification du contrat de travail envisagée par l'employeur et refusée par le salarié est soumise à l'appréciation du juge qui doit en vérifier le bien-fondé.

■ Portée
La conclusion d'un contrat de travail emporte l'application du statut collectif de l'entreprise, sans qu'une clause puisse
l'écarter. Ce statut se compose de normes négociées (conventions et accords collectifs) et de normes non négociées.
Comme le précise l'arrêt de principe Deschamps, ici analysé, l'existence et le régime de ce statut collectif non négocié
résultent des pouvoirs de l'employeur, « responsable de l'organisation, de la gestion et de la marche générale de
l'entreprise ».
S'agissant de l'existence du statut collectif non négocié, il ressort « d'un usage ou d'un autre accord collectif ne répondant pas aux conditions de l'article L. 132-19 du Code du travail », devenu l'article L. 2332-16. Si l'usage professionnel
tend à disparaître (C. civ., art. 1194), l'usage d'entreprise est une figure courante. L'usage d'entreprise est né de la
pratique paternaliste de certaines entreprises attribuant aux salariés divers avantages. Même si dans l'esprit de
l'employeur, son pouvoir de direction reste total (si bien qu'il n'a pas conscience de créer un usage), la pratique initiée
engendre une croyance légitime dans l'esprit des salariés (sorte de « quasi-engagement »).
Pour son existence, seul compte pour la Cour de cassation la présence d'un élément matériel, nonobstant le défaut
d'élément psychologique de l'employeur ; les trois critères sont ainsi la généralité (l'avantage est donné à la ou une
collectivité de travail), la constance (la répétition permet de distinguer les avantages permanents des avantages exceptionnels) et la fixité de l'avantage (la nature et le montant sont identiques). À défaut de constance et de fixité, la Cour
de cassation emploie le terme d'avantage ou de prime discrétionnaire qui n'engage nullement l'employeur pour
l'avenir. Dans l'arrêt, les juges observent que « le paiement de la prime de 13e mois était devenu, par voie d'usage,
obligatoire dans l'entreprise ».
L'usage d'entreprise est concurrencée par la notion doctrinale d'accord atypique et celle jurisprudentielle d'engagement unilatéral de l'employeur. Un accord atypique est celui qui, prévoyant un avantage, est conclu entre l'employeur
et des représentants du personnel qui n'ont pas la qualité de délégués syndicaux (comme la pratique courante des
accords de fin de conflit collectif) ; pour la Cour de cassation, il a la valeur d'un engagement unilatéral. Plus généralement, les engagements unilatéraux résultent d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de l'employeur

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