Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 178

L'ESSENTIEL

176

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

11 Cass. soc., 10 mai 2006, nº 05-40802
La pratique des bons de délégation, visant à avertir le chef de service ou le supérieur de l'intention du représentant
syndical de se mettre en délégation, ne peut être détournée de son seul objet d'information préalable d'un déplacement
pour l'exercice du mandat dans ou en dehors de l'entreprise.
L'employeur, fût-il approuvé en comité d'entreprise, ne peut étendre la pratique des bons de délégation prévue par
l'accord d'entreprise pour la circulation des mandatés à un cas qui n'y est pas prévu, à savoir des échanges téléphoniques
entre représentants du personnel.

■ Faits
Un accord sur l'exercice du droit syndical a été signé au sein d'une société prévoyant que la prise d'heures de délégation fait l'objet d'une information par un bon de délégation remis au supérieur hiérarchique. L'employeur a par la
suite remis aux représentants du personnel lors de la réunion du comité d'entreprise une note, approuvée par le
comité d'entreprise, indiquant qu'un bon de délégation établi a posteriori est à remettre au supérieur hiérarchique à
l'occasion des conversations téléphoniques entre représentants du personnel. Pour ne pas avoir respecté ces actes
collectifs, un représentant syndical a reçu un avertissement qu'il a contesté en justice. Il a été débouté au motif que
l'encadrement collectif des bons de délégation avait force obligatoire.

■ Portée
Parce qu'ils jouent un rôle spécifique au sein d'une entreprise, les représentants du personnel (élus titulaires, représentants syndicaux, membres du CHSCT, du CEE...) bénéficient d'un certain nombre d'heures mensuelles de délégation
rémunérées par l'entreprise afin de mener à bien leur mission respective (C. trav., art. L. 2142-1-3, L. 2143-13, L. 23151, L. 2325-6, L. 2314-15 et L. 4614-3). L'utilisation et la rémunération de ces heures sont spécialement protégées par la
loi. Pour faciliter leur gestion, les employeurs ont créé la pratique des bons de délégation, admise sous certaines conditions comme le rappelle clairement l'arrêt du 10 mai 2006 ici commenté.
À titre liminaire, il convient de rappeler certains principes fondamentaux. Le nombre d'heures dépend du mandat en
cause et de la taille de l'entreprise. Ces heures sont considérées de plein droit comme du temps de travail effectif,
l'exercice du mandat ne pouvant entraîner aucune perte de rémunérations (comme le paiement d'heures supplémentaires), de primes (imposant une adaptation des modalités de calcul) ou d'avantages de toute nature. Elles sont payées
à l'échéance normale ; l'employeur qui entend contester l'exercice de ces heures comme contraire à la mission dévolue
par la loi doit, après les avoir rémunérées, détruire la présomption de conformité dont jouissent les représentants du
personnel devant la juridiction civile. Par exemple, ne peut pas demander le paiement d'heures de délégation le
délégué du personnel, dont la mission est de présenter à l'employeur des réclamations individuelles et collectives (à
savoir demander le respect de la loi et du statut collectif), qui formule des revendications (à savoir demander des avantages plus favorables que ceux résultant de la loi et du statut collectif existant) qui sont l'apanage des délégués syndicaux et des représentants de section syndicale. Ces heures de délégation sont aussi personnelles (ne pouvant être
partagées ou échangées), sauf pour les représentants syndicaux d'une même section syndicale ou les membres du
CHSCT (sous réserve d'informer l'employeur de la répartition choisie). Enfin, les représentants du personnel peuvent
dépasser leur crédit d'heures en cas de circonstances exceptionnelles. Les représentants qui désirent être rémunérés de
ces heures doivent démontrer qu'ils étaient placés dans une situation provisoire créée par un événement ponctuel

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