Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 184

L'ESSENTIEL

182

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

2 CE, 7 déc. 2009, nº 301563
Le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu,
soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une
faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y
renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de
ce refus. Après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé,
il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une
gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en œuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice
de son mandat. En tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte
à l'exercice de ses fonctions représentatives.

■ Faits
Un salarié protégé refuse un changement de ses conditions de travail. L'employeur saisit l'inspecteur du travail d'une
demande d'autorisation de licenciement. Sur recours contentieux, la cour administrative d'appel estime que « le refus
par un salarié protégé d'un changement dans ses conditions de travail n'était, par lui-même, constitutif d'aucune
faute », si bien que l'autorisation devait être refusée. La question posée au Conseil d'État était la suivante : quel est le
régime du refus, par un salarié protégé, d'un changement dans ses conditions de travail ?

■ Portée
La décision de principe du 7 décembre 2009 du Conseil d'État, statuant sur le rôle de l'inspecteur du travail en cas de
refus, par un salarié protégé, d'un changement de ses conditions de travail, offre une belle illustration de la conciliation
des intérêts en présence que propose souvent la juridiction administrative.
Reprenant la position de la Cour de cassation, le Conseil d'État (implicitement) reconnaît l'application du statut protecteur « à la modification des conditions de travail du salarié à l'initiative de l'employeur ». Cette extension n'est pas sans
susciter des critiques. Qualifié de « protection exceptionnelle », le statut protecteur devrait être d'interprétation stricte,
au motif qu'il défend une exigence à valeur constitutionnelle. Prise à la lettre, la règle formulée devrait imposer à
l'employeur, avant d'opérer un changement des conditions de travail, de demander une autorisation à l'inspecteur du
travail. Mais la procédure étant apparue inutilement lourde, la Cour décida simplement de paralyser le pouvoir de
direction de l'employeur en lui ôtant toute faculté unilatérale de changement des conditions de travail, même en application d'une clause de mobilité. Le refus du salarié prive donc d'effet la décision de l'employeur. Face à un tel refus,
l'employeur n'a d'autre choix que de renoncer à sa décision ou de saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation administrative de licenciement (sauf à violer le statut protecteur et à commettre un délit d'entrave). Mais l'interdiction d'imposer un changement des conditions de travail à un salarié protégé « ne doit pas être interprétée comme
valant reconnaissance au profit de ces salariés d'un véritable droit au refus comme en matière de modification du
contrat de travail. L'inspecteur pourra en effet considérer que le refus du salarié présente un caractère fautif ». La situation du salarié est loin d'être confortable. Selon le Conseil d'État, « constitue, en principe, une faute [...] le refus
opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit
des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction ».
Table des matières de la publication Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e
