Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 195

CHAPITRE 19 - Négociation collective
Mais l'arrêt n'avait pas permis la conclusion d'un accord avant l'événement emportant sa mise en cause, ce qui avait
été regretté. L'arrêt du 28 octobre 2015 met fin à cette controverse en qualifiant explicitement l'acte signé avant la
fusion d'accord de substitution dont les effets dépendent de la réalisation de l'événement emportant sa mise en cause.
S'agissant des règles de conclusions, la Cour de cassation estime que l'accord est opposable car « signé par l'ensemble
des organisations syndicales représentatives » de la société absorbante. N'est donc retenue que la signature des syndicats représentatifs dans l'entreprise d'accueil, l'accord conclu couvrant l'entreprise absorbante dans son ensemble, non
la seule entité absorbée. Le principe de concordance impose donc de négocier avec les syndicats représentatifs à ce
niveau. Les syndicats anciennement représentatifs dans l'entité absorbée ne sont pas pris en compte pour la conclusion
de l'accord. Il reste difficile de comprendre la référence à l'unanimité. Est à écarter une interprétation a contrario imposant une signature unanime à l'accord d'anticipation... La référence à l'unanimité n'est que contingente en l'espèce.
De lege lata, il convient d'appliquer les règles de majorité prévues par le Code du travail.
S'agissant des règles de négociation, l'arrêt écarte l'inopposabilité au motif que le salarié n'avait « pas soutenu » que
des organisations représentatives au sein de la société absorbée n'avaient pas été invitées à la table des négociations
de l'accord d'anticipation. La solution est novatrice. En application de l'article L. 2231-1 du Code du travail et du principe de concordance, seule l'invitation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans le champ
d'application du futur accord est nécessaire (C. trav., art. L. 2231-1). La représentativité dans les entreprises absorbées
apparaît donc indifférente, comme le décidait l'ancien arrêt du 13 octobre 2010. Désormais, d'une part, la Cour de
cassation impose d'appeler à la négociation d'un accord d'anticipation les syndicats représentatifs de l'entité vouée à
disparaître ; d'autre part, il importe peu que ces syndicats ne soient plus représentatifs après la fusion et ne puissent
apposer valablement leur signature. La solution se comprend : la négociation de l'accord d'anticipation étant antérieure
à la fusion, les syndicats représentatifs des deux entités sont intéressés à sa négociation. Contra legem ou praeter
legem, c'est selon, la position de la Cour est à saluer tant elle concilie les intérêts des différentes collectivités de travail
concernées par la restructuration. Les nouveaux articles L. 2261-14-2 et suivants du Code du travail, issus de la loi
« Travail » du 8 août 2016, parachèvent l'édifice en offrant la faculté de conclure des accords de transition (au sein de
l'entreprise d'origine d'une durée de trois ans opposable dans l'entreprise d'accueil) ou d'anticipation (au sein des
entreprises d'origine et d'accueil avec une représentativité appréciée dans le périmètre des diverses entités). Il reste
que la conclusion de ces accords supposent la présence de syndicats représentatifs, ce qui n'est pas toujours le cas.

Pour aller plus loin
* Cass. soc., 2 mars 2016, nº 14-16414 : la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue
à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du Code du travail un avantage individuel acquis qui est incorporé
au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation, l'employeur ne pouvant la
modifier sans l'accord de chacun de ces salariés, quand bien même estimerait-il les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressés ; un engagement unilatéral de l'employeur contraire à ce principe ne peut avoir
force obligatoire (voir le nouvel article L. 2261-13 issu de la loi « Travail » du 8 août 2016).
* Cass. soc., 13 nov. 2008, nº 07-42481 : lorsqu'un accord collectif ne prévoit pas les modalités de sa révision, il résulte
de l'article L. 2261-7 du Code du travail que, d'une part, le consentement unanime des signataires est nécessaire pour
engager la procédure de révision et que, d'autre part, les organisations syndicales signataires sont seules habilitées à
signer l'avenant de révision selon les règles applicables à chaque niveau de négociation (voir le nouvel article
L. 2261-7-1 issu de la loi Travail du 8 août 2016).

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