Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 25

CHAPITRE 2 - Reconnaissance de la relation de travail
Ensuite, la Cour de cassation affine le critère de la « confusion d'intérêts, d'activités et de direction », qui suscite tant
de débats doctrinaux. La confusion d'intérêts exige une dépendance capitalistique avec détention directe ou indirecte
de la totalité ou quasi-totalité du capital social. La confusion d'activités suppose une interdépendance des activités et
une dépendance économique de la filiale (ayant noué l'essentiel de ses relations avec le groupe sans disposer de solution alternative). La confusion de direction est l'élément décisif, comprenant une confusion des dirigeants - identité des
mandataires sociaux ou directeurs techniques (DRH, DAF...) - et une confusion des décisions de gestion. Mais, comme
l'affirme la Cour de cassation, le fait que « les dirigeants de la filiale proviennent du groupe » ne peut suffire.
Sur la confusion des décisions, la Cour de cassation a évolué. Pendant longtemps, elle se contentait d'une confusion
des décisions externes, tel le fait d'avoir conçu, financé et mis en œuvre le plan de relance et de restructuration de la
filiale. Désormais, elle exige une confusion des décisions internes. Le fait que « la société mère ait pris dans le cadre
de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois, ne peut suffire
à caractériser une situation de co-emploi ».
Au-delà d'une politique commune de groupe (situation assez naturelle), il n'y a immixtion sociale qu'à condition que la
gestion des ressources humaines soit prise en main par la société mère qui ne permet plus à la filiale de se comporter
comme l'employeur de ses salariés (immixtion dans le recrutement, la formation et la promotion des salariés, le contentieux social...). La situation de co-emploi devrait donc rester exceptionnelle. À défaut de coemploi, il reste la faculté
pour les salariés d'engager la responsabilité délictuelle de la société mère en sa qualité de principal actionnaire lorsqu'en cas de faute commise à son seul profit, elle a entraîné la cessation des paiements de sa filiale et, par la suite, la
perte des emplois (C. civ., art. 1240).

Pour aller plus loin
* Cass. soc., 6 juill. 2016, nº 14-27266 : le fait que la société mère se soit engagée à garantir l'exécution des obligations
de sa filiale liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ne peut suffire à caractériser une situation de
co-emploi.
* Cass. soc., 7 mars 2017, nº 15-16865 : le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite
collaboration avec la société dominante, que celle-ci ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour
le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une
convention générale d'assistance moyennant rémunération, ne peuvent suffire à caractériser une situation de coemploi.
* Cass. soc., 1er juin 2004, nº 01-47165 : lorsqu'un salarié est lié à des co-employeurs par un contrat de travail unique, le
licenciement prononcé par l'un d'eux, qui met fin au contrat de travail, est réputé prononcé par tous.
* Cass. soc., 8 juill. 2014, nº 13-15573 : l'actionnaire principal qui, directement ou par l'intermédiaire d'une autre société,
a pris des décisions profitables à lui-même, mais dommageables pour l'entreprise qui ont aggravé la situation économique difficile de cette dernière, peut être condamné à verser des dommages-intérêts aux salariés en raison de sa
faute et légèreté blâmable qui a concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois.

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