Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 38

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

1 Cass. soc., 23 oct. 2013, nº 12-14237
L'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition.
Inverse la charge de la preuve l'arrêt qui retient que le salarié n'établit ni avoir fourni un travail ni s'être trouvé dans une
situation imposant le versement de son salaire, alors qu'il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé
d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition.

■ Faits
Deux salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant dans le cadre de la liquidation judiciaire de
l'entreprise, à la fixation de leur créance incluant des reliquats de salaires et d'indemnités compensatrice de congés
payés. La cour d'appel a rejeté la demande de rappel de salaires au motif que le salarié n'établissait ni avoir fourni un
travail dont le salaire est la contrepartie, ni s'être trouvé dans une situation imposant un tel versement. Les deux salariés ont formé un pourvoi en cassation qui a été accueilli par la Cour de cassation.

■ Portée
À qui incombe la charge de la preuve du maintien du salarié à disposition de l'employeur, justifiant l'obligation de
celui-ci de verser le salaire et de fournir un travail ? L'arrêt commenté répond à cette question au visa de l'ancien
article 1315 du Code civil (devenu l'article 1353) et de l'article L. 1221-1 du Code du travail.
La Cour énonce, dans un premier temps, que l'employeur est tenu de verser la rémunération et de fournir un travail au
salarié qui se tient à sa disposition. Elle résume ainsi les deux obligations principales de l'employeur. Fait l'objet d'une
abondante jurisprudence le principe selon lequel le versement du salaire constitue la contrepartie nécessaire de la relation de travail. Cette règle renvoie à la nature quasi alimentaire du contrat de travail (ce qui justifie la prohibition des
sanctions pécuniaires) et repose sur deux caractères du contrat de travail :
- commutatif et non aléatoire, le versement de la rémunération ne pouvant dépendre d'une chance de gain ou de
perte (une clause déclarant que la rémunération dépend uniquement du nombre de biens vendus ou de services est
ainsi illicite) ;
- synallagmatique, toute prestation supposant rémunération et vice versa.
Par conséquent, le salarié qui se tient à la disposition de son employeur et qui ne refuse pas d'exécuter sa prestation a
droit à son salaire, peu important que l'employeur ne lui fournisse pas de travail. Ensuite, le contrat comporte pour
l'employeur l'obligation de fournir le travail convenu. Exerçant son travail de manière subordonnée, le salarié n'est pas
libre de travailler ou non ; cette absence de liberté a pour corollaire l'obligation pour l'employeur de mettre à la disposition du salarié un travail. Même lorsque l'employeur continue de payer le salaire, il ne peut pas se dispenser de
fournir le travail promis ou de le réduire. La mise en disponibilité d'un salarié est ainsi fermement condamnée par les
juges. Le travail est, pour beaucoup de salariés, non pas un simple moyen de gagner de l'argent, mais aussi un moyen
d'être reconnu socialement. Le respect de l'obligation de fournir le travail convenu suppose d'identifier, pour chaque
emploi, les fonctions essentielles qui y sont attachées. Par exemple, pour le contrat d'un sportif, son travail ne consiste
pas à jouer les matchs officiels mais à pouvoir s'entraîner avec l'équipe professionnelle. Certains comportements ont
été stigmatisés par les juges. Ainsi, lorsque l'employeur décide de recruter un salarié chargé notamment des mêmes
fonctions que celles exercées par un autre salarié, le privant ainsi du contenu de son emploi, les juges en déduisent
que l'employeur a manqué à ses obligations contractuelles.

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