Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 47

CHAPITRE 5 - Pouvoirs de l'employeur
substantiel renvoyant au respect des clients, des personnes et des moyens de l'entreprise. En miroir, la vie personnelle
couvre trois aspects : l'intimité de la vie privée hors de l'entreprise (comme les mœurs du salarié, le domicile), les
libertés civiles (mariage, divorce) et la vie publique composée des libertés civiques (participation à la vie politique et
associative). La vie personnelle rassemble ainsi autant des faits couverts par le principe de non-discrimination (C. trav.,
art. L. 1132-1) que des faits délictueux mais commis en dehors du contrat de travail.
Néanmoins, une zone grise apparaît afin de prendre en compte l'intérêt de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle les
deux décisions formulent une réserve, certes non nouvelle, mais pour la première fois clairement formulée. Le salarié
reste tenu, même en dehors du temps et du lieu de travail, de certaines obligations « permanentes » nées du contrat
de travail permettant de rattacher des faits relevant a priori de la vie personnelle à la vie professionnelle : obligations
de loyauté (comme celle de non-concurrence ou celle d'informer son employeur en cas de détention provisoire), de
probité (l'interdiction d'utiliser à des fins personnelles des biens de l'entreprise à finalité exclusivement professionnelle),
de secret, de confidentialité ou encore de sécurité (en cas de harcèlement d'un collègue même en dehors du temps et
du lieu de travail ou de consommation de drogues ayant des conséquences lors de l'exécution du contrat).
La distinction entre la vie professionnelle et la vie personnelle est donc poreuse. Preuve en est la question de l'infraction au Code de la route commise par un chauffeur routier en dehors du travail. Lors d'un précédent, la Cour de cassation avait jugé que le fait qu'un salarié affecté en exécution de son contrat à la conduite d'un véhicule automobile se
voit retirer son permis pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique en dehors du temps de travail se rattache à sa
vie professionnelle. L'arrêt du 3 mai 2011 revient sur cette position, reprenant celle antérieure de quelque mois du
Conseil d'État. Cependant, même si un fait de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, il est toujours susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse objective (c'est-à-dire non fautive) de licenciement en cas de trouble caractérisé au fonctionnement de l'entreprise (comme l'impossibilité d'exercer sa prestation du
fait de la perte du permis).

Pour aller plus loin
* Cass. soc., 27 oct. 1959 (Dr. ouvrier 1960, p. 320) : des faits accomplis hors du temps et du lieu de travail ne sauraient
être, en principe, retenus contre lui à l'appui d'une sanction disciplinaire, l'intéressé ayant alors cessé d'être placé sous
l'autorité de son employeur.
* Cass. soc., 27 mars 2012, nº 10-19915 : un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Commet une
faute grave le salarié appartenant au « personnel critique de sécurité » qui a consommé des drogues dures pendant ses
escales entre deux vols et qui, se trouvant sous l'influence de produits stupéfiants pendant l'exercice de ses fonctions,
n'avait pas respecté les obligations de son contrat de travail et avait fait courir un risque aux passagers.
* Cass. soc., 8 oct. 2014, nº 13-16793 : des faits de menaces, insultes et comportements agressifs, commis à l'occasion
d'un séjour organisé par l'employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d'un « challenge » national
interne à l'entreprise et à l'égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachent à la vie de
l'entreprise.

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