Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 48

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

2 Cass. ass. plén., 25 juin 2014, nº 13-28369
Il résulte de la combinaison des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du Code du travail que les restrictions à la liberté du salarié
de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au
but recherché.
Le règlement intérieur d'une association imposant le respect d'un principe de laïcité et de neutralité pour l'ensemble des
activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants
confiés à la crèche, une cour d'appel a pu en déduire, appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement
d'une association de dimension réduite, employant seulement dix-huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation
directe avec les enfants et leurs parents, que la restriction à la liberté de manifester sa religion ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l'association
et proportionnée au but recherché.
Ne peut être qualifiée d'entreprise de conviction l'association qui a pour objet, non de promouvoir et de défendre des
convictions religieuses, politiques ou philosophiques, mais, aux termes de ses statuts, « de développer une action orientée
vers la petite enfance en milieu défavorisé et d'œuvrer pour l'insertion sociale et professionnelle des femmes [...] sans
distinction d'opinion politique et confessionnelle ».

■ Faits
Engagée en qualité d'éducatrice de jeunes enfants et exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche gérée
par une association, une salariée décide de porter le voile islamique. Le règlement intérieur est modifié : « le principe
de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des
principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par BabyLoup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la
crèche ». Licenciée pour faute grave pour y avoir contrevenu de façon répétée, la salariée s'estime victime d'une discrimination religieuse et saisit la juridiction prud'homale en nullité du licenciement. Statuant sur un premier pourvoi, la
chambre sociale avait jugé la clause illicite et le licenciement discriminatoire. Mais la cour d'appel de Paris, sur renvoi,
a rejeté le recours de la salariée provoquant la réunion de l'assemblée plénière.

■ Portée
La médiatique affaire « Baby-loup » soulève la question de la restriction par l'employeur de la liberté religieuse des salariés sur le lieu de travail. Ce sujet sensible d'un point de vue sociologique entre en conflits avec les textes limitant le
pouvoir de l'employeur aux éléments qui concernent exclusivement l'exécution de la prestation de travail afin de
protéger les droits et libertés des salariés. En effet, tout comportement d'un salarié dans l'entreprise ne saurait être
soumis au pouvoir de direction. Dans sa vie professionnelle, le salarié ne loue que sa force de travail et ne « vend »
pas sa personne. Comme tout être humain, un salarié, même aux temps et lieu de travail, jouit de libertés extrapatrimoniales dont l'exercice ne peut être réduit à néant. L'article L. 1121-1 du Code du travail, adopté en 1992, dispose
que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne
seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (reprenant en substance la règle inscrite à l'article L. 1321-3 du Code du travail pour le règlement intérieur, adoptée en 1982 et s'inspirant
de la célèbre décision Corona du Conseil d'État du 1er février 1980). Tel est encore l'objet de l'article L. 1132-1 du Code
du travail qui prohibe toute discrimination fondée sur une liste de motifs, notamment les convictions religieuses.

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