Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 60

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

DU TRAVAIL

2 Cass. soc., 23 oct. 2007, nº 06-40950
Au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, le fait qu'un salarié présent dans l'entreprise depuis douze ans n'ait bénéficié,
au cours de cette période, que d'un stage de formation continue de trois jours établit un manquement de l'employeur
dans l'exécution du contrat de travail, entraînant un préjudice distinct de celui résultant de la rupture.

■ Faits
Des salariés licenciés pour motif économique ont sollicité devant la juridiction prud'homale diverses indemnités dont
l'une portait sur la violation de l'obligation de formation à laquelle est soumis l'employeur pour assurer l'adaptation
des salariés à l'évolution de leur emploi. L'employeur a contesté cette demande au motif qu'une telle obligation légale
incombe à l'État et ne pèse pas directement sur l'employeur. Après avoir été condamné en appel, l'employeur a formé
un pourvoi en cassation qui a rejeté par la Cour de cassation.

■ Portée
La loi du 16 juillet 1971 est la première pierre d'un édifice imposant destiné à garantir une formation professionnelle
continue, qualifiée de véritable « obligation nationale » (C. trav., art. L. 6111-1). Mais l'employeur ne saurait être
déchargé de toute obligation en la matière dès lors qu'il est le premier bénéficiaire de la plus-value générée par le
travail des salariés et qu'il décide des évolutions techniques ou technologiques de son activité. C'est la raison pour
laquelle la loi du 19 janvier 2000 a imposé à l'employeur l'obligation « d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois » à l'article L. 6321-1 du Code du travail, transposant l'arrêt de principe Expovit du 25 février
1992 : « l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés
à l'évolution de leurs emplois ». L'arrêt du 23 octobre 2007 est le premier d'une abondante jurisprudence qui s'efforce
d'assurer l'effectivité de cette prescription légale.
En contrepartie de l'engagement du salarié à travailler pour l'employeur, celui-ci doit proposer régulièrement des
formations aux fins d'adapter les salariés à l'évolution de leurs emplois. Les salariés ne doivent pas subir les risques de
l'entreprise ; l'employeur ne saurait les licencier au seul motif de leur incompétence à s'adapter à ses choix de développement techniques ou technologiques. L'adaptation est l'objectif à atteindre et la formation est le moyen d'y parvenir.
Appréhendant la formation en termes d'obligations nées de l'exécution du contrat de travail, la Cour de cassation
affirme dans l'arrêt commenté que le manquement par l'employeur à son obligation est caractérisé par le simple
constat de la quasi-absence de formation offerte au salarié présent dans l'entreprise depuis douze ans. Compte tenu
du préjudice subi, lequel est distinct de celui réparé par l'allocation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse, cette carence de l'employeur justifie qu'il soit alloué au salarié des dommages-intérêts. Récemment, la
Cour de cassation a précisé que l'article L. 6321-1 du Code du travail engendre deux obligations autonomes, l'obligation d'adaptation prévue à l'alinéa 1, mais aussi celle de veiller « au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au
regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations » à l'alinéa 2 (nonobstant
l'absence d'évolution technique ou technologique décidée par l'employeur). Ces obligations connaissent cependant
une limite. Si l'employeur a l'obligation d'assurer une formation complémentaire aux salariés, il ne peut lui être
imposé d'organiser une formation initiale qui leur fait défaut ou une formation de développement des compétences
(sauf engagement conventionnel, contractuel ou unilatéral plus favorable).

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