Les Carrés Rouge - L'essentiel des Grands arrêts du droit du travail 2017-2018 - 2e - 95

CHAPITRE 10 - Licenciement
Enfin, la Cour de cassation a jugé, en 2001, que « l'énumération des motifs économiques de licenciement par
l'article L. 321-1 du Code du travail n'[étant] pas limitative, [...] la cessation d'activité [totale et définitive] de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique
de licenciement », solution découlant de la liberté d'entreprendre garantie par les articles 2 et 4 de la DDHC. L'arrêt du
16 décembre 2008 affirme, pour la première fois, que les deux motifs légaux et les deux motifs jurisprudentiels sont
limitatifs.
Mais c'était sans compter sur la résistance du législateur. D'abord, la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 et
la loi « Travail » du 8 août 2016 ont créé trois nouvelles causes ad'hoc de licenciement pour motif économique encadrées par de nombreuses règles spéciales : le refus d'un accord de mobilité interne (C. trav., art. L. 2242-17 et s.), le
refus d'un accord de maintien de l'emploi (C. trav., art. L. 5125-1 et s.) et le refus des accords de préservation ou de
développement de l'emploi (C. trav., art. L. 2254-2 et s.). Ensuite, le nouvel article L. 1233-3 du Code du travail dispose
que le licenciement pour motif économique est consécutif « notamment : 1º À des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du
chiffre d'affaires [d'une durée d'un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, deux trimestres entre 11 et
49 salariés, trois trimestres entre 50 et 299 salariés et quatre trimestres au-delà], des pertes d'exploitation ou une
dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de
ces difficultés ; 2º À des mutations technologiques ; 3º À une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde
de sa compétitivité ; 4º À la cessation d'activité de l'entreprise ». L'adverbe « notamment » laisse donc place à d'autres
motifs qui n'attendent plus que l'imagination des plaideurs... Mieux (ou pire), le nouveau Gouvernement souhaite
limiter l'appréciation du motif économique au seul territoire national.
S'agissant de l'apport pratique, la Cour de cassation n'avait jamais considéré que la menace pesant sur la compétitivité
de l'entreprise devait être précisée dans la lettre de licenciement, laissant aux juges la charge de vérifier cette condition. L'arrêt marque une évolution en énonçant que le motif doit spécialement viser la nécessité de sauvegarder la
compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Pour aller plus loin
* Cass. Ass. plén., 8 déc. 2000, nº 97-44219 : les licenciements ont une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est
établi que la réorganisation de l'entreprise, qui entraîne des suppressions d'emplois, est nécessaire à la sauvegarde de
la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. Dès lors, une cour d'appel ne
peut juger sans cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés par une entreprise ayant choisi la solution du
regroupement d'activités sur l'un de ses sites et de la fermeture d'un autre, au motif qu'elle avait excédé la mesure de
ce qui était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur considéré en n'intégrant pas dans ses calculs le
concept de préservation de l'emploi, alors d'une part, que la pérennité de l'entreprise et le maintien de sa compétitivité
étaient assurés dans les trois hypothèses de réorganisation envisagées par l'employeur, et d'autre part qu'il ne lui appartenait pas de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles.
* Cass. soc., 16 nov. 2016, nº 15-19927 : la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou,
si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du
groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une
entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du Code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire
le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

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