Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 100

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

5 CJCE, 2 oct. 2003, nº C-148/02, Garcia Avello et CJCE, 14 oct.
2008, nº C-353/06, Grunkin et Paul
(1er arrêt) Les articles 12 CE et 17 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que [...] l'autorité administrative d'un État membre refuse de donner une suite favorable à une demande de changement de nom pour des enfants
mineurs résidant dans cet État et disposant de la double nationalité dudit État et d'un autre État membre, alors que cette
demande a pour objet que ces enfants puissent porter le nom dont ils seraient titulaires en vertu du droit et de la tradition
du second État membre.
(2e arrêt) L'article 18 CE s'oppose [...] à ce que les autorités d'un État membre, en appliquant le droit national, refusent de
reconnaître le nom patronymique d'un enfant tel qu'il a été déterminé et enregistré dans un autre État membre où cet
enfant est né et réside depuis lors et qui, à l'instar de ses parents, ne possède que la nationalité du premier État membre.

■ Faits
Dans la première affaire, des enfants nés en Belgique ayant la double nationalité espagnole et belge ont été inscrits
dans les registres de l'état civil belge sous le nom de leur père, conformément à la loi belge. Les parents ont demandé
l'adjonction du nom de la mère à celui du père, en vertu de la loi espagnole. Leur demande a été rejetée par les autorités belges, alors que les autorités consulaires espagnoles ont accepté d'enregistrer les enfants sous le double nom. La
Cour de Justice considère que le refus de faire droit à la demande constitue une discrimination.
Dans la seconde affaire, un enfant né au Danemark de parents allemands a été enregistré au Danemark sous un
double nom, composé du nom de chacun de ses deux parents. Les autorités allemandes ont refusé d'enregistrer
l'enfant sur les registres d'état civil allemands sous le double nom. La Cour de Justice condamne ce refus.

■ Portée
Toute compétence réservée aux États membres doit s'exercer conformément aux principes généraux du droit de
l'Union européenne. Tel est le cas du domaine du nom qui relève du droit national, lequel ne peut s'affranchir du
respect des droits fondamentaux du citoyen de l'Union.
Dans l'arrêt Garcia Avello, la Cour de Justice s'appuie sur la citoyenneté européenne et « le principe de non-discrimination à raison de la nationalité ». Malgré la binationalité des enfants, ceux-ci ont été traités par les autorités belges
comme ayant seulement la nationalité belge, ce que la Cour de Justice désapprouve. Elle adopte une approche fonctionnelle du conflit de nationalités qui est résolu en fonction des objectifs poursuivis par le droit de l'Union européenne. Au centre de ceux-ci, la liberté de circulation a guidé le raisonnement de la Cour. Pour condamner le refus
des autorités belges d'accéder à la demande de changement de nom, elle invoque une entrave à cette liberté dès lors
que les enfants sont contraints de porter en Belgique un nom différent de celui enregistré par les autorités espagnoles.
L'entrave à la libre circulation n'était que virtuelle. En effet, les enfants nés en Belgique y résidaient de manière habituelle. Il n'était pas a priori prévu que leur résidence soit fixée à terme en Espagne. En n'exigeant pas que l'entrave
soit effective, la Cour de Justice étend l'emprise du droit de l'Union pour contraindre à la reconnaissance en Belgique
du nom patronymique, accordé par les autorités espagnoles aux enfants. Le but est d'éviter que les enfants se heurtent
éventuellement à des difficultés d'ordre professionnel ou privé résultant de la diversité de noms de famille. À aucun
moment, la Cour de Justice ne raisonne en termes de conflits de lois.
Dans l'affaire Grunkin et Paul, la question de la conformité au droit de l'Union de la règle de conflit allemande rattachant le nom au critère de la nationalité a été posée à la Cour de Justice. La Cour a examiné la question en plaçant le

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