Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 114

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

5 Cass. 1re civ., 8 juill. 2015, nº 14-17880
Sur le moyen relevé d'office, (...)
Vu l'article 15 du Règlement nº 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 et les articles 8, 13 et 22 du Protocole de La Haye
du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires ;
[...] Pour rejeter la demande de prestation compensatoire de l'épouse, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'aux termes de
leur contrat de mariage reçu par un notaire en Allemagne, le 31 mars 2000, les époux ayant exclu « toute prestation
compensatoire selon le droit allemand ou tout autre droit », Mme Y... a renoncé, par avance, à toute prestation
compensatoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher, de manière concrète, si les effets de la loi allemande n'étaient
pas manifestement contraires à l'ordre public international français, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (cassation)

■ Faits
Deux époux résidant en Allemagne ont, avant la célébration de leur union, conclu un contrat de mariage devant un
notaire allemand. Cette convention matrimoniale prévoyait qu'en cas de divorce, le versement de toute prestation
compensatoire - selon le droit allemand ou tout autre droit - serait exclu. Prononçant le divorce des époux, les juges
du fond français ont débouté l'épouse de sa demande de prestation compensatoire.

■ Portée
L'arrêt du 8 juillet 2015 de la Cour de cassation apporte des éléments éclairants sur l'office du juge dans le cadre de la
mise en œuvre de l'exception d'ordre public international. Dans son pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz,
l'épouse reprochait un défaut de réponse à conclusions faisant valoir une contrariété à l'ordre public des dispositions
du contrat de mariage. Cependant, le contrôle au titre de l'exception d'ordre public international ne peut s'exercer sur
le contrat de mariage ; seule la loi étrangère régissant la convention matrimoniale peut faire l'objet d'un tel contrôle.
Pour préciser aux juges du fond l'objet et la nature de leur contrôle, la Cour de cassation relève d'office un moyen de
pur droit. L'usage de cette technique est suffisamment rare pour être souligné. Dans l'affaire rapportée, il s'agit d'examiner une situation créée à l'étranger. L'ordre public international intervient donc dans son effet atténué, conformément à la jurisprudence Rivière (Cass. civ., 17 avr. 1953, commentaire Chap. 2).
La Cour de cassation a déjà énoncé une telle solution en matière d'obligation alimentaire dans l'arrêt Todorovitch. Aux
termes de cet arrêt, « une convention sur l'obligation alimentaire, qui a été conclue valablement au regard de la loi
reconnue compétente par les règles françaises de droit international privé [...], n'est pas contraire à l'ordre public français lequel a un effet atténué à l'égard des droits acquis à l'étranger » (Cass. 1re civ., 7 nov. 1972, nº 71-44470).
Tout contrôle in abstracto de la loi étrangère en cause - en l'occurrence la loi allemande - est exclu. La loi étrangère
doit être examinée in concreto pour déterminer si, appliquée au cas d'espèce, les résultats qu'elle produit sont manifestement contraires à l'ordre public international français.
Pour forger la conception actuelle de l'ordre public international en ce domaine, la Cour de cassation prend appui sur
différents textes en vigueur dans l'ordre juridique du for. En effet, l'ordre public doit être appréhendé dans sa teneur
au moment où le juge statue. La Cour de cassation vise l'article 15 du règlement nº 4/2009 du 18 décembre 2008, dit
« règlement aliments », qui renvoie au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations
alimentaires. Les règles du Protocole sont applicables au sein de l'Union européenne, depuis le 18 juin 2001, uniquement aux aliments réclamés dans un État contractant pour une période postérieure à son entrée en vigueur.
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