Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 128

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

3 Cass. 1re civ., 10 oct. 2006 (2 arrêts), nos 06-15264 et 06-15265
Vu l'article 370-3, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si
ce mineur est né et réside habituellement en France ; (arrêts nos 1 et 2 : cassation)

■ Faits
Dans chacune des deux affaires, une demande d'adoption simple a été formulée à l'égard d'un enfant recueilli dans le
cadre d'une kafala (procédure de recueil légal d'un enfant) par un couple de Français. Les juges du fond ont fait droit à
la demande d'adoption. La Cour de cassation a été saisie de pourvois dans l'intérêt de la loi. Les décisions des juges du
fond sont cassées, car les lois personnelles de chaque enfant - la loi marocaine pour l'un et la loi algérienne pour
l'autre - interdisent l'adoption.

■ Portée
L'article 370-3 du Code civil, issu de la loi nº 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, impose au
juge de vérifier l'adoptabilité de l'enfant étranger au regard de sa loi personnelle. Une loi personnelle prohibitive
interdit le prononcé de l'adoption, sauf si le mineur étranger est né et réside habituellement en France, car dans ce
cas il a vocation à devenir français, selon l'article 21-7 du Code civil. Cette exception n'était pas applicable dans les
espèces rapportées.
Il est admis que la kafala n'a aucun effet sur la filiation de l'enfant qui en fait l'objet. Cette institution de droit
musulman s'apparente à une tutelle légale en vertu de laquelle le tuteur prend l'engagement d'assurer bénévolement
l'entretien, l'éducation et la protection du mineur.
La règle de conflit édictée à l'article 370-3, alinéa 2 du Code civil est conforme aux différents engagements internationaux de la France, qu'il s'agisse de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 - qui
mentionne la kafala parmi les mesures de protection dont l'enfant peut faire l'objet - ou de la Convention de La Haye
du 29 mai 1993 relative à l'adoption internationale (v. en ce sens Cass. 1re civ., 25 févr. 2009, nº 08-11033).
L'un des objectifs que s'est donné la loi du 6 février 2001 a été de prévenir le risque de statut juridique boiteux. À l'évidence, une adoption prononcée au mépris de l'interdiction de la loi personnelle de l'enfant ne sera pas reconnue dans
son pays d'origine. Mais ce risque est largement surestimé dès lors que, dans de nombreuses hypothèses, seul un lien
de nationalité subsiste entre l'enfant et son pays d'origine puisqu'il est élevé sur le territoire français (v. à ce sujet
Haftel B., RJPF 2011, p. 63). Même si elle est respectueuse du pluralisme culturel, la règle affirmée à l'article 370-3,
alinéa 2 du Code civil reste contestée (v. par exemple les rapports 2004 et 2005 de la Défenseure des enfants
préconisant l'abrogation de cette disposition).
Certains États, tels que la Belgique ou l'Espagne, admettent l'adoption des enfants recueillis en kafala, ce qui soulève
la question de la reconnaissance des jugements étrangers transformant la kafala en adoption plénière. La jurisprudence
est encore rare à ce sujet. Des juges du fond se sont ainsi prononcés en faveur de la reconnaissance d'une décision
américaine de transformation d'une kafala en adoption. Aucune contrariété à l'ordre public international n'a été
relevée (v. CA Rennes, 23 juin 2009, nº 08/03622, cité par Le Boursicot M.-C., RJPF 2011-2/11, p. 14).
Du côté français, la Cour de cassation admet certes qu'un enfant recueilli en kafala et devenu français puisse faire
l'objet d'une adoption (v. Cass. 1re civ., 4 déc. 2013, nº 12-26161). Le délai pour acquérir la nationalité française pour
un enfant recueilli en France a été réduit à trois ans par la loi nº 2016-297 du 14 mars 2016 au lieu de cinq ans

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