Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 130

L'ESSENTIEL

128

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

4 Cass. 1re civ., 18 mai 2005, nº 02-21075
La révocation intervenue le 18 mai 2001 en Roumanie à la seule demande des adoptants ne peut produire effet en France
compte tenu de la portée internationale de l'adoption reconnue dans les conditions de la convention de La Haye ; (rejet)

■ Faits
Un tribunal roumain prononce l'adoption plénière d'un enfant roumain âgé de treize ans par un couple de Français.
Quelques mois plus tard, les adoptants renoncent à l'adoption, qui est révoquée par une cour d'appel roumaine dont
la décision n'est pas reconnue en France.

■ Portée
En matière d'adoption internationale, la méthode du conflit de lois a été écartée par la Convention de La Haye du
29 mai 1993 au profit d'une coopération interétatique. C'est sur le fondement de cette convention que l'adoption litigieuse a été prononcée en Roumanie. L'article 26, alinéa 2 de cet instrument international énonce que lorsque l'adoption rompt le lien préexistant de filiation, l'enfant doit bénéficier dans l'État d'accueil d'une adoption produisant cet
effet.
Cette méthode dite de la substitution ou de la naturalisation vise à éviter la création de statuts boiteux. La transposition de l'adoption prononcée à l'étranger dans l'ordre juridique de l'État d'accueil suppose de lui substituer la catégorie
d'adoption dont elle se rapproche le plus au regard du droit de ce pays.
Le juge roumain a prononcé une adoption plénière, laquelle a les mêmes conséquences que l'adoption plénière française. Les adoptants ne pouvaient soutenir qu'en raison de son caractère révocable, l'adoption roumaine produisait en
France les effets d'une adoption simple. La révocabilité de l'adoption au regard du droit roumain n'a pas d'effet sur sa
qualification dans l'État d'accueil. L'assimilation à l'adoption plénière française n'est subordonnée qu'à la rupture
complète et irrévocable du lien préexistant de filiation.
La solution est donc fondée sur l'équivalence entre les effets de l'adoption prononcée dans le pays d'origine et ceux de
l'une des catégories d'adoption admise dans l'État d'accueil. Si cette assimilation est source de sécurité juridique pour
les familles, elle risque toutefois de dénaturer, dans certains cas, l'institution étrangère. L'affaire rapportée en constitue
une illustration. Révocable selon le droit roumain, l'adoption ne l'était plus une fois assimilée à une adoption française.
Le droit français s'oppose effectivement à la révocation de l'adoption plénière. Par conséquent, la reconnaissance du
premier jugement roumain d'adoption constitue un obstacle à la reconnaissance du second jugement roumain révoquant l'adoption. Ces deux décisions sont en effet inconciliables au sein de l'ordre juridique français, alors qu'elles se
concilient aisément au sein de l'ordre juridique roumain. Ce sont les exigences de cohérence de l'ordre interne qui ont
dicté la solution.
Mais qu'en est-il de l'intérêt de l'enfant ? L'adoption a été un échec. Cet intérêt a finalement été apprécié différemment du point de vue roumain et du côté français. L'enfant a été placé par le juge des enfants. La situation boiteuse
que la Convention de La Haye du 29 mai 1993 a souhaité éviter est pourtant bien présente. L'espèce permet de
pointer les limites de cette convention. Celle-ci ne traite pas de la question de la révocation, qui est soumise à la loi
du for. Du même coup, l'harmonie internationale des solutions est mise à mal.
Le traitement d'une adoption internationale comme s'il s'agissait d'une adoption interne ne se rencontre pas uniquement en droit conventionnel. L'article 370-5 du Code civil issu de la loi nº 2001-111 du 6 février 2001 relative à

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