Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 16

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

Cass. 1re civ., 23 mai 2006, nº 04-12777, Prieur et 22 mai 2007,
nº 04-14716, Fercométal

(1er arrêt) Mais attendu que l'article 15 du Code civil ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française,
impropre à exclure la compétence indirecte d'un tribunal étranger, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée
à l'État dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction n'est pas frauduleux ; (rejet)
(2e arrêt) Mais attendu que l'article 14 du Code civil n'ouvre au demandeur français qu'une simple faculté et n'édicte pas à
son profit une compétence impérative, exclusive de la compétence indirecte d'un tribunal étranger déjà saisi et dont le
choix n'est pas frauduleux ; (rejet)

■ Faits
Dans l'affaire Prieur (1er arrêt), un juge suisse a annulé le mariage contracté par deux personnes nées en Suisse où elles
résidaient. L'exequatur du jugement octroyé en France est contesté par le mari au motif de l'incompétence du juge
suisse. L'époux invoque sa nationalité française et le privilège de juridiction résultant de l'article 15 du Code civil pour
s'opposer en vain à l'exequatur.
Dans l'affaire Fercométal (2e arrêt), une société française a assigné en responsabilité devant le juge français une banque
algérienne. La cour d'appel s'est reconnue compétente pour statuer sur la demande. La banque a contesté, sans
succès, la compétence du juge français.

■ Portée
À une année d'intervalle, la Cour de cassation affirme, par deux arrêts de principe, que les articles 14 et 15 du Code
civil n'instituent pas de compétence exclusive au profit des juridictions françaises. La Cour de cassation procède tant
pour l'article 15 que pour l'article 14 à un revirement de jurisprudence. Antérieurement, la jurisprudence leur conférait
un caractère exclusif.
Dans l'affaire Prieur, il n'y avait aucun obstacle à l'exequatur du jugement suisse, la nationalité française du défendeur
ne servant plus de fondement à une compétence exclusive du juge français. Comme l'ont constaté les juges du fond,
la situation litigieuse se rattachait de manière caractérisée à la Suisse, lieu de naissance, de mariage et de résidence
des époux. Le contrat de mariage des époux régi par la loi suisse y a également été établi. Aucune fraude n'a été
décelée dans le choix de la juridiction suisse.
La lecture de l'article 15 retenue par l'arrêt Prieur est conforme à la lettre du texte qui se borne à offrir au demandeur
étranger la possibilité d'assigner un défendeur français devant le juge français. L'octroi d'un caractère exclusif revenait
à transformer cette possibilité en obligation pour le demandeur étranger sous peine de se heurter à un refus d'exequatur de la décision obtenue à l'étranger au mépris du respect de la compétence française.
L'article 14 permet, quant à lui, au demandeur français d'assigner devant les tribunaux français un défendeur étranger.
Il s'agit d'une simple faculté pour le demandeur français. L'affaire Fercométal ne soulève pas d'hypothèse de litispendance. Pourtant, la Cour de cassation fait référence à un tel cas de figure en évoquant « un tribunal étranger déjà
saisi ». Elle indique que dans une telle situation le juge français ne pourra refuser d'accueillir l'exception de litispendance au motif de sa compétence fondée sur l'article 14 du Code civil. Elle impose donc au juge français de vérifier
qu'aucun tribunal étranger n'a été préalablement saisi de manière non frauduleuse avant de se reconnaître compétent.
En effet, l'article 14 ne doit pas être utilisé comme moyen de paralyser l'instance en cours à l'étranger. Pour éviter tout

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