Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 162

L'ESSENTIEL

160

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

4 Cass. 1re civ., 19 nov. 2014, nº 13-13405, Brenneke
Mais attendu que, selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (arrêt du 19 décembre 2013, nº C-9/
12, Corman-Collins), la règle de compétence édictée à l'article 5-1 b), second tiret, du règlement Bruxelles I, pour les litiges
relatifs aux contrats de fourniture de services, est applicable à une action en justice par laquelle le demandeur établi dans
un État membre, fait valoir, à l'encontre d'un défendeur établi dans un autre État membre, des droits tirés d'un contrat
de concession, ce qui implique que le contrat liant les parties comporte des stipulations particulières concernant la distribution par le concessionnaire, choisi par le concédant à la suite d'une sélection, des marchandises vendues par ce dernier ;
qu'aux termes de cette jurisprudence, la prestation caractéristique fournie par le concessionnaire consiste à assurer la distribution des produits du concédant et, partant, à participer au développement de leur diffusion ; (rejet)

■ Faits
Se prévalant d'un droit de distribution exclusive sur le territoire français de balles de chasse à canon lisse fabriquées en
Allemagne, une société établie à Strasbourg a assigné devant le juge français les fabricants allemands en résolution du
contrat. Les défendeurs ont invoqué l'incompétence du juge français. L'exception d'incompétence soulevée n'a pas été
accueillie par les juges français. Le pourvoi formé par les sociétés allemandes fabriquant les balles de chasse a été
rejeté.

■ Portée
Par l'arrêt du 19 novembre 2014, la Première Chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et s'aligne sur la solution énoncée par la CJUE dans l'arrêt Corman-Collins SA (CJUE, 19 déc. 2013, nº C-9/12).
En matière contractuelle, l'article 5-1º du règlement Bruxelles I offre au demandeur à l'action une option de compétence lui permettant d'agir devant un autre juge que celui du domicile du défendeur désigné par l'article 2. L'article 51º, a édicté une règle générale donnant compétence à la juridiction de l'État membre du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande. L'article 5-1º, b identifie ce lieu pour le contrat de marchandises (lieu de livraison
de la marchandise) et pour le contrat de fourniture de services (lieu de fourniture des services).
Antérieurement à l'arrêt commenté, la Cour de cassation avait affirmé que le contrat de concession exclusive n'était ni
une vente ni une fourniture de services (Cass. 1re civ., 23 janv. 2007, nº 05-12166). Il s'agissait d'un contrat sui generis,
relevant alors de l'article 5-1º, a du règlement Bruxelles I. Fortement critiquée, cette position de la Cour de cassation a
été condamnée par l'arrêt Corman-Collins SA de la Cour de Justice. Celle-ci a rappelé que le contrat de concession de
vente est un contrat-cadre de distribution. Elle a qualifié le contrat de concession de vente de « contrat de fourniture
de services » au sens de l'article 5-1º, b. Cette qualification repose sur deux critères : l'identification d'une activité
déterminée exercée par le concessionnaire, d'une part, et une rémunération assurée par le concédant, d'autre part.
Ces critères dégagés par la Cour de Justice ont été mis en œuvre par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté. La
cour d'appel avait retenu sa compétence sur le fondement de l'article 5-1º, a, en estimant que l'obligation litigieuse -
en l'occurrence l'obligation d'exclusivité - devait s'exécuter en France.
Procédant par substitution de motifs et évitant une cassation inutile, la Cour de cassation estime que le contrat litigieux
constitue une prestation de services. Le juge français est donc compétent au regard de l'article 5-1º, b en tant que
tribunal du lieu de réalisation de la prestation caractéristique du distributeur. Au soutien de la qualification retenue, la
Cour de cassation se fonde sur les énonciations de la cour d'appel, qui se réfère à « un contrat de distribution conclu

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