Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 166

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

6 CJCE, 27 sept. 1988, nº C-189/87, Kalfelis
La notion de matière délictuelle ou quasi-délictuelle au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la convention [de Bruxelles]
doit être considérée comme une notion autonome comprenant toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité
d'un défendeur, et qui ne se rattache pas à la « matière contractuelle » au sens de l'article 5, paragraphe 1.
Un tribunal compétent au titre de l'article 5, paragraphe 3, pour connaître de l'élément d'une demande reposant sur un
fondement délictuel n'est pas compétent pour connaître des autres éléments de la même demande reposant sur des
fondements non délictuels.

■ Faits
M. Kalfelis a conclu diverses opérations boursières, au comptant et à terme, sur l'argent-métal avec la filiale luxembourgeoise d'une banque allemande. Les opérations, réalisées par l'intermédiaire de cette filiale grâce à l'entremise du
cofondé de pouvoir de la banque, se sont soldées par une perte.
Le client a assigné devant une juridiction allemande la filiale, la banque allemande et son fondé de pouvoir. Ses
demandes visaient à mettre en œuvre tant la responsabilité contractuelle que la responsabilité délictuelle des défendeurs. La filiale de la banque allemande ayant contesté la compétence des juges allemands, la Cour de Justice a été
saisie de différentes questions préjudicielles.

■ Portée
L'une des questions préjudicielles posées porte sur la définition de la notion de « matière délictuelle ou quasi-délictuelle » utilisée par l'article 5-3º de la Convention de Bruxelles. La question est d'importance. L'article 5 de la Convention de Bruxelles (Règl. Bruxelles I bis, art. 7) contient en effet des règles de compétences spéciales qui s'ajoutent à la
règle de compétence générale désignant le domicile du défendeur. Ces règles reposent sur une distinction entre
matière contractuelle et matière délictuelle. Or, l'appréhension de ces notions diverge selon les droits nationaux.
Pour assurer une solution uniforme quant à leur contenu, la Cour de Justice les a donc classées dans la catégorie des
concepts autonomes. S'agissant de la matière délictuelle, la Cour vise toute demande mettant en jeu la responsabilité
du défendeur « qui ne se rattache pas à la matière contractuelle ». Les deux critères cumulatifs retenus ont été
rappelés ultérieurement par l'arrêt Réunion européenne (CJCE, 27 oct. 1988, nº C-51/97).
Cependant, lorsque l'arrêt Kalfelis a été rendu, la méthode retenue par la Cour avait été critiquée, dans la mesure où
la notion de « matière contractuelle » n'avait pas fait l'objet de définition (Gaudemet-Tallon H., Rev. crit. DIP 1989,
p. 121). Il fallut attendre quelques années avant que la Cour de Justice donne une directive générale permettant de
circonscrire cette notion. Dans l'arrêt Jakob Handte (CJCE, 17 juin 1992, nº C-26/91), « un engagement librement
assumé d'une partie envers l'autre » est exigé pour caractériser la matière contractuelle.
Des difficultés surgissent inévitablement lorsque l'action du demandeur tend à engager à la fois la responsabilité
contractuelle et la responsabilité délictuelle du défendeur. Un for unique peut-il connaître de l'ensemble des
demandes ?
La cour s'y refuse. La compétence du juge fondée sur l'article 5-3º de la Convention de Bruxelles se limite à l'examen
des obligations délictuelles. Elle ne peut être étendue à d'autres éléments non délictuels, même s'il existe une connexité entre les différents aspects de la demande. Cette solution entraîne un morcellement des compétences.

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