Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 168

L'ESSENTIEL

166

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

CJUE, 7 déc. 2010, nos C-585/08, Pammer et C-144/09, Hotel
Alpenhof

Afin de déterminer si un commerçant, dont l'activité est présentée sur son site Internet ou sur celui d'un intermédiaire,
peut être considéré comme « dirigeant » son activité vers l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son
domicile, au sens de l'article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 44/2001, il convient de vérifier si, avant la conclusion éventuelle d'un contrat avec le consommateur, il ressort de ces sites Internet et de l'activité globale du commerçant
que ce dernier envisageait de commercer avec des consommateurs domiciliés dans un ou plusieurs États membres, dont
celui dans lequel ce consommateur a son domicile, en ce sens qu'il était disposé à conclure un contrat avec eux.

■ Faits
Dans l'affaire Pammer, un Autrichien a conclu un contrat de voyage avec une société située en Allemagne, par l'intermédiaire d'une société établie elle-même en Allemagne qui décrivait le voyage sur son site Internet. Estimant que la
croisière ne correspondait pas au descriptif, le consommateur autrichien en a réclamé le remboursement au voyagiste.
Dans l'affaire Hotel Alpenhof, un consommateur résidant en Allemagne a réservé plusieurs chambres après consultation du site Internet d'un hôtel situé en Autriche et a obtenu confirmation de la réservation par courrier électronique.
Le consommateur a quitté les lieux sans avoir réglé sa facture. Le professionnel hôtelier l'a assigné devant le juge
autrichien.
Dans chacune des deux affaires, le défendeur a contesté la compétence du juge autrichien saisi, qui a posé à chaque
fois des questions préjudicielles à la CJUE. Celle-ci a joint opportunément les deux affaires afin de traiter dans un seul
arrêt les problèmes d'interprétation soulevés.

■ Portée
L'article 15-1º, sous c du règlement nº 44/2001 du 22 décembre 2000 délimite le champ d'application du for de
protection du consommateur en présence d'un contentieux lié à la cyberconsommation. La compétence de ce for
implique, d'une part, que le professionnel exerce des activités dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou « dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre » et,
d'autre part, que « le contrat entre dans le cadre de ces activités ». La notion d'« activité dirigée » a fait l'objet d'interprétations doctrinales divergentes.
Selon une première approche, la simple accessibilité locale d'un site Internet suffit à fonder la compétence du for de
protection. Cette approche n'a pas été suivie par la Cour de Justice dans l'arrêt rapporté, car l'objectif de protection
du consommateur poursuivi par l'article 15 du règlement Bruxelles I (Règl. Bruxelles I bis, art. 17) n'est pas absolu. La
mise en œuvre de cette approche a pour conséquence de rendre le for du consommateur compétent pour tous les
litiges, ce qui est extrêmement défavorable au professionnel.
Pour exclure le critère de l'accessibilité, la Cour de Justice se fonde sur une déclaration du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne et sur le 24e considérant du règlement Rome I. Ce considérant énonce que la
notion litigieuse doit recevoir une interprétation uniforme, qu'il s'agisse d'un problème de loi applicable ou de juridiction compétente.
En énonçant que « le commerçant doit avoir manifesté sa volonté d'établir des relations commerciales avec les
consommateurs d'un ou plusieurs autres États membres » (§ 75), la Cour consacre la méthode de focalisation ou de
ciblage. Il est donc nécessaire de vérifier si le professionnel a eu l'intention de cibler l'État du consommateur. Le site

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