Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 178

L'ESSENTIEL

176

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

12 Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, nº 13-11932
Vu l'article 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation
routière, ensemble les articles 4 et 28 du Règlement nº (CE) 864/2007, dit « Rome II » ;
[...] Attendu que, pour retenir l'application du Règlement nº 864/2007, l'arrêt énonce que, conformément au paragraphe 2
de son article 28, ce règlement prévaut sur la Convention de La Haye ratifiée par la France et l'Espagne, toutes deux
membres de l'Union européenne ;
Attendu qu'en statuant, ainsi, alors que la Convention de La Haye en cause n'ayant pas été conclue exclusivement entre
des États membres de l'Union européenne, mais également par des États tiers, le Règlement nº 864/2007 ne prévalait pas
sur celle-ci [...] ; (cassation)

■ Faits
Un accident de la circulation est survenu en novembre 2010 en Espagne entre deux véhicules automobiles, l'un immatriculé en France et l'autre en Espagne. Le passager blessé du véhicule immatriculé en France a assigné devant les juges
français la conductrice française du véhicule et son assureur. Les juges du fond ont fait application de la loi française
sur le fondement du règlement Rome II, en tant que loi du pays de la résidence commune de la personne dont la
responsabilité est invoquée et de la personne lésée.
Sur pourvoi de la conductrice du véhicule immatriculé en France et de son assureur, l'arrêt de la cour d'appel est cassé
au visa de certaines dispositions de la Convention de La Haye sur la loi applicable en matière d'accident de la circulation routière et du règlement Rome II.

■ Portée
À l'évidence, la cassation de l'arrêt d'appel s'imposait, car la prévalence de la Convention de La Haye du 4 mai 1971
sur le règlement Rome II est affirmée par le règlement lui-même. Son article 28 organise ses relations avec les conventions internationales existantes. Cette clause de coordination permet aux États membres de respecter leurs engagements internationaux envers les États tiers. Seules les conventions conclues entre les États membres sont écartées au
profit du règlement. Or, tel n'est pas le cas de la Convention de La Haye du 4 mai 1971. Les juges du fond ne
pouvaient donc pas appliquer le règlement Rome II. La discussion relative à la norme applicable n'est pas sans enjeu.
En se référant à la loi du lieu du dommage, l'article 4 du règlement Rome II désigne la loi espagnole. Toutefois, une
dérogation est prévue par l'article 4, alinéa 2 du règlement au profit de la loi de la résidence habituelle lorsque la
personne dont la responsabilité est recherchée et la personne lésée ont leur résidence dans le même État. C'était le
cas en l'espèce, l'auteur de l'accident et la victime résidant tous deux en France. La mise en œuvre du règlement aboutissait à l'application de la loi française alors que la Convention de La Haye désignait la loi espagnole en tant que loi du
lieu de l'accident.
Suivant la loi applicable, l'étendue du droit à réparation de la victime peut varier considérablement. De fait, la primauté
accordée aux conventions internationales existantes conduit à une dualité de régimes conflictuels au sein de l'espace
judiciaire européen, malgré l'objectif d'uniformisation de la loi applicable attribué au règlement Rome II. Il en résulte
un risque de law shopping, accentué par la pratique du forum shopping facilitée par l'option de compétence juridictionnelle offerte en matière délictuelle (v. Règl. Bruxelles I bis, art. 7-2º). La compétence de principe attribuée aux
juridictions de l'État du domicile du défendeur accepte de s'effacer au profit des juridictions du lieu où le fait
dommageable s'est produit.

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