Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 190

L'ESSENTIEL

188

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

1 CJCE, 5 nov. 2002, nº C-208/00, Überseering
Les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à ce que, lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État
membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire est réputée, selon le droit d'un autre État membre, avoir transféré son siège effectif dans cet État, ce dernier dénie à ladite société la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester
en justice devant ses juridictions nationales pour faire valoir les droits tirés d'un contrat conclu avec une société établie
dans ledit État.
Lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège
statutaire exerce sa liberté d'établissement dans un autre État membre, les articles 43 CE et 48 CE imposent à ce dernier
de respecter la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice que cette société possède en vertu du droit de
son État de constitution.

■ Faits
Überseering, une société de droit néerlandais, a transféré son siège réel en Allemagne suite à l'acquisition de ses parts
par deux ressortissants allemands. La société a poursuivi pour malfaçons un entrepreneur allemand ayant rénové un
immeuble lui appartenant. Les juges allemands, en première instance et en appel, ont estimé que la société était
dépourvue de capacité juridique en application du droit allemand. Sa demande a donc été rejetée. C'est dans ce
contexte que le Bundesgerichtshof a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.

■ Portée
En droit international privé des sociétés, la lex societatis est déterminée, non pas en fonction de la nationalité de cellesci, mais par référence à leur siège social. La loi allemande privilégie le critère du siège réel. Dans l'affaire Überseering,
suite au transfert du siège social de la société en Allemagne, la capacité juridique de celle-ci a été appréciée au regard
de la loi du pays d'accueil, en l'occurrence la loi allemande et non par rapport au droit néerlandais, en tant que loi du
pays de constitution. La CJUE condamne un tel raisonnement.
Par conséquent, la capacité juridique d'une société s'apprécie nécessairement suivant le droit de l'État membre où elle
s'est constituée. Par ailleurs, tout État membre dans lequel la société exerce sa liberté d'établissement doit respecter la
capacité juridique que lui reconnaît l'État membre de constitution. Dès lors, l'État d'accueil ne peut appliquer sa règle
de conflit à la situation litigieuse, puisque le droit de l'Union européenne lui impose, au contraire, de reconnaître la
situation régulièrement constituée dans un autre État membre. La liberté d'établissement permet aux ressortissants des
États membres d'immatriculer leur société dans n'importe quel État membre et donc de choisir le régime juridique leur
semblant le plus intéressant sans qu'aucun abus ne puisse leur être reproché.
La liberté d'établissement a d'autres incidences. L'État membre d'accueil d'une société constituée dans un autre État
membre ne peut imposer le respect de ses dispositions législatives, par exemple, exiger un capital minimum au titre de
lois de police (CJCE, 30 sept. 2003, nº C-167/01, Inspire Art).
Elle s'oppose à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société légalement constituée
dans un autre État membre (CJCE, 9 mars 1999, nº C-212/97, Centros).
Dans les arrêts Cartesio (CJCE, 16 déc. 2008, nº C-210/06) et Vale (CJUE, 12 juill. 2012, nº C-378/10), la CJUE énonce
que l'État membre de constitution d'une société ne peut faire obstacle au transfert du siège de celle-ci, lorsqu'elle
souhaite changer de lex societatis pour être soumise à la loi du pays d'accueil.

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