Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 29

CHAPITRE 1 - La compétence internationale
Une saisine de la Cour de Justice aurait été opportune pour déterminer si la jurisprudence CDC pouvait être étendue
aux actions autonomes.
La Cour de cassation est revenue depuis à une position plus respectueuse de la lettre de l'article 23 du règlement
Bruxelles I par un arrêt du 18 janvier 2017 (Cass. com. 18 janv. 2017, nº 15-26105). Ce texte se réfère à « des
différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé ». Dans le litige ayant donné lieu à l'arrêt du
18 janvier 2017, la clause figurant dans un contrat de concession conclu entre une société française et une société
anglaise énonçait que « les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions
anglaises ». Selon la Cour de cassation, c'est sans dénaturation que la Cour d'appel a considéré que la clause couvre
tous les litiges découlant de la relation contractuelle. Par conséquent, la clause s'applique à la rupture brutale du
contrat.
L'admission des clauses dissymétriques reste toutefois strictement encadrée au nom de l'exigence de prévisibilité qui
permet de restaurer un équilibre rompu entre les parties par les clauses litigieuses. Faute de mentionner expressément
le ou les tribunaux compétents, la clause doit faire référence à des éléments objectifs suffisamment précis sur lesquels
il y a eu accord des parties afin d'identifier le tribunal compétent. Tel n'est pas le cas de la clause qui autorise l'une
des parties à assigner l'autre devant n'importe quel tribunal. Ce type de clause est dépourvu de toute efficacité.
Mais à ce sujet, la Cour de cassation pourrait être amenée à revoir sa position majoritairement critiquée par la doctrine.
Jusqu'à présent, la Cour de cassation s'est appuyée sur le droit français pour apprécier la validité au fond d'une telle
clause. Toutefois, tant l'article 25 du règlement Bruxelles I bis que la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les
accords d'élection de for soumettent la validité au fond de ces clauses à la loi du tribunal élu. La loi du for ne pourra
donc plus intervenir dans cette appréciation.

Pour aller plus loin
* Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, nº 11-26022, Banque de Rothschild : la clause permettant à une banque d'agir devant
n'importe quel tribunal en cas de litige avec un simple particulier emprunteur a été jugée contraire « à l'objet et à la
finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du règlement Bruxelles I ». Le caractère potestatif
reconnu à la clause, en raison du choix discrétionnaire de la juridiction compétente dont disposait la banque, a été
fortement critiqué par la doctrine. La clause ne contenait pourtant aucun élément objectif visant à identifier directement
ou indirectement le ou les tribunaux d'un État membre.
* Cass. 1re civ., 25 mars 2015, nº 13-27264, Crédit suisse : la Cour de cassation précise l'office du juge statuant sur une
exception d'incompétence fondée sur le déséquilibre d'une clause attributive de juridiction réservant à une banque le
droit d'agir contre une entreprise emprunteur devant « tout autre tribunal compétent ». Au visa de l'article 23 de la
Convention de Lugano du 30 octobre 2007, la Cour de cassation indique que la clause litigieuse doit être soumise au
test de prévisibilité et de sécurité juridique dans la mesure où elle ne précise pas sur quels éléments objectifs la compétence alternative octroyée à la banque est fondée.
* CJUE 20 avr. 2016, nº C-366/13, Profit Investment SIM SpA : l'arrêt fournit un exemple de clause attributive de juridiction ayant une forme correspondant à un usage commercial international. Il s'agit d'une clause d'élection de for
insérée dans un prospectus d'émission de titres obligataires.

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