Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 42

L'ESSENTIEL

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DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

3 Cass. civ., 17 avr. 1953, Rivière
La réaction à l'encontre d'une disposition contraire à l'ordre public n'est pas la même suivant qu'elle met obstacle à
l'acquisition d'un droit en France ou suivant qu'il s'agit de laisser produire en France les effets d'un droit acquis, sans
fraude à l'étranger ; (rejet)

■ Faits
Le divorce par consentement mutuel de deux époux russes a été prononcé en Équateur. L'ex-épouse s'est remariée
avec un Français. Ce dernier a répondu à l'action en divorce de son épouse par une action en déclaration de nullité
du second mariage en raison, selon lui, de l'absence d'effet en France du divorce ayant précédé le second mariage.
L'époux a été débouté de sa demande en nullité, la première union ayant été valablement dissoute.

■ Portée
L'arrêt Rivière a été rendu à une époque où le divorce par consentement mutuel n'était pas autorisé en droit français.
La contrariété à l'ordre public international du divorce a alors été invoquée par le second époux. Pour tenter
d'échapper aux conséquences pécuniaires du divorce demandé par son épouse, le second époux tentait de démontrer
que leur union n'était pas valable, l'épouse étant toujours engagée dans les liens du mariage avec son premier époux,
faute de dissolution de celui-ci. Mais cet argument du demandeur au pourvoi n'a pas été accueilli. Le divorce prononcé
à l'étranger produit ses effets même si ce divorce n'a pas pu être prononcé par une juridiction française.
La réaction de l'ordre public international diffère suivant qu'il s'agit de créer une situation en France ou de reconnaître
un droit acquis à l'étranger. L'arrêt Rivière énonce en termes généraux cette variation de l'intensité de l'ordre public
international. Pour décrire cette variabilité des manifestations de l'ordre public, l'expression « effet atténué de l'ordre
public » est souvent utilisée bien qu'elle soit inappropriée, car c'est l'ordre public lui-même qui est atténué et non ses
effets en tant que tels. La rigueur de l'ordre public est atténuée, face à des situations qui ont été constituées à
l'étranger, par respect pour les prévisions légitimes des parties. Mais encore faut-il que les droits acquis à l'étranger
l'aient été sans fraude. La création d'une situation juridique en France appelle en revanche l'intervention de l'ordre
public plein.
La distinction ordre public atténué et ordre public plein a semblé un temps dépassé, suite à l'émergence du concept de
l'ordre public de proximité inspiré de la doctrine allemande de l'Inlandsbeziehung. La proximité de la situation avec la
France est un facteur de déclenchement de l'ordre public. Cette proximité est caractérisée par la nationalité française
ou la résidence en France d'une des parties. Les exigences de l'ordre public international ont été renforcées face aux
critiques formulées à l'encontre de la trop grande tolérance dans l'accueil des répudiations musulmanes (Cass. 1re civ.,
17 févr. 2004, nº 01-11549, commentaire infra). L'objectif a été de neutraliser les effets pervers résultant du jeu de
l'ordre public atténué en matière de reconnaissance de situations créées à l'étranger.
Toutefois, dès que la situation n'a pas de liens significatifs avec la France, l'ordre juridique français s'en désintéresse
complètement. Ce phénomène a été appelé « l'ordre public d'éloignement » (Foyer J., Rev. crit. DIP 1993, p. 620). Le
relativisme des valeurs qui en résulte a été mis en exergue par la doctrine (Gannagé L., TCFDIP 2006-2008, p. 204).
Même si de fait l'influence inexorable des droits fondamentaux en droit international privé est canalisée, une
discrimination en résulte. Certaines situations sont examinées à l'aune de valeurs essentielles pour le for tandis que
d'autres, du fait de leur éloignement, ne sont pas soumises au même examen.
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