Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 54

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

CEDH, 28 juin 2007, nº 76240/01, Wagner et 3 juin 2011,
nº 56759/08, Négrépontis

(1er arrêt) La Cour estime que les juges luxembourgeois ne pouvaient raisonnablement passer outre au statut juridique créé
valablement à l'étranger et correspondant à une vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention ; (violation : Conv. EDH,
art. 8)
(2e arrêt) L'article 780 du Code de procédure civile prévoit un certain nombre de conditions qui doivent être remplies afin
que l'État grec reconnaisse la force exécutoire des jugements étrangers dans l'ordre juridique interne, parmi lesquels la
condition du respect de l'ordre public. Néanmoins, l'interprétation par le juge grec de la notion d'ordre public ne doit pas
être faite de manière arbitraire et disproportionnée ; (violation : Conv. EDH, art. 6)

■ Faits
Dans la première affaire, un tribunal péruvien a prononcé l'adoption plénière d'un enfant au profit d'une femme célibataire de nationalité luxembourgeoise. S'étant heurtée à un refus d'exequatur des autorités luxembourgeoises, la
femme dépose une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui a retenu une violation de
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans l'autre affaire, un juge américain a prononcé l'adoption d'un adulte par son oncle, un moine grec, qui était
évêque de l'Église orthodoxe à Détroit. Le refus de reconnaissance de la décision américaine pour contrariété à l'ordre
public international par les juges grecs constitue, selon la CEDH, une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

■ Portée
Les États parties à la Convention européenne des droits de l'homme ne sont plus maîtres de la définition des modalités
de contrôle de la régularité internationale des jugements étrangers. Tels sont les enseignements importants qui résultent des arrêts Wagner et Négrépontis. L'influence que la jurisprudence de la CEDH exerce, en ce domaine, est
notable.
Dans l'affaire Wagner, la demande d'exequatur du jugement péruvien d'adoption a été rejetée par les juges luxembourgeois au motif que la loi luxembourgeoise, désignée par la règle de conflit luxembourgeoise, n'a pas été
respectée. Cette loi correspondant à la loi nationale de l'adoptant réserve l'adoption plénière aux époux. Or, la décision
d'adoption a été prononcée au bénéfice d'une femme célibataire. La CEDH a retenu une violation du droit au respect
de la vie privée et familiale protégée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, car les autorités luxembourgeoises ont fait « prévaloir les règles de conflit luxembourgeoises sur la réalité sociale et sur la situation
des personnes intéressées ».
L'arrêt Wagner impose à l'État d'accueil de renoncer à l'application de sa règle de conflit dès lors qu'il s'agit d'apprécier l'efficacité d'une situation créée à l'étranger (Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, Cornelissen, commentaire supra). La
méthode de la reconnaissance des situations ainsi privilégiée par la CEDH tend à assurer la protection de droits
fondamentaux de nature tant substantielle que procédurale. Le recours à cette méthode est justifié par l'idée de
permanence du statut personnel, la volonté de préserver des droits acquis à l'étranger est évidente.
Néanmoins, la CEDH n'impose nullement une reconnaissance « automatique et inconditionnelle » (Kinsch P., Rev.
crit. DIP 2007, p. 819) de la situation créée à l'étranger. La reconnaissance d'une situation n'est imposée que lorsque
les parties ont pu croire, en la créant, qu'elle serait reconnue. La confiance légitime des parties en la stabilité de la

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