Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 59

CHAPITRE 3 - La mise en œuvre de la règle de conflit
Désormais, seules la disponibilité ou l'indisponibilité des droits litigieux en matière de force obligatoire de la règle de
conflit à l'égard du juge sont prises en compte, comme l'avait proposé Batiffol au lendemain de l'arrêt Bisbal (Rev.
crit. DIP 1960, p. 62). Lorsque les parties peuvent disposer des droits dont elles sont titulaires - c'est-à-dire les céder ou
y renoncer -, le juge a la faculté - et non l'obligation - d'appliquer la règle de conflit. Tel est le cas en matière
contractuelle, comme l'indique l'arrêt Mutuelle du Mans. En l'absence d'une telle liberté pour les parties, le juge doit
appliquer d'office la règle de conflit. L'appréciation du caractère disponible ou non des droits litigieux relève de la lex
fori. Cette appréciation n'est plus portée matière par matière, mais droit par droit.
L'opposition traditionnelle entre matières patrimoniales et extrapatrimoniales - les premières étant disponibles et les
secondes indisponibles - ne reflète pas la réalité de l'approche analytique privilégiée par la jurisprudence. Au sein
d'une même matière, certaines règles peuvent être indisponibles et d'autres disponibles, et changer de nature sous
l'influence du droit de l'Union européenne.
Le contentieux du droit du divorce en fournit une illustration. Selon la Cour de cassation, le caractère indisponible du
prononcé du divorce ne s'étend pas à la fixation du montant de la prestation compensatoire qualifiée de droit disponible (Cass. 1re civ., 11 mars 2009, nº 08-13431). L'adoption du règlement Rome III, permettant aux époux de choisir la
loi applicable à leur divorce, transforme celui-ci en un droit disponible. Il n'est pas exclu que la question de l'autorité
de la règle de conflit soit un jour examinée par la Cour de Justice.

Pour aller plus loin
* Cass. 1re civ., 18 octobre 1988, nº 86-16631, Schule : rendu quelques jours après l'arrêt Rebouh, l'arrêt Schule a
confirmé l'obligation d'appliquer d'office la règle de conflit de lois dans le domaine successoral, matière à l'époque
indisponible. Le visa de l'article 3 du Code civil, des principes du droit international privé qui gouvernent le droit des
successions et des libéralités ainsi que de l'article 12 du nouveau code de procédure civile est éloquent. La décision des
juges du fond annulant, en vertu du droit français, une donation déguisée faite par le défunt à sa maîtresse est
censurée. La règle de conflit désignant la loi suisse en tant que loi du dernier domicile du défunt, c'est au regard de
cette loi que la validité de la donation devait être appréciée. L'abandon de la jurisprudence Bisbal résulte de ce duo
formé par les arrêts Rebouh et Schule.

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