Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 76

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

10 Cass. 1re civ., 3 févr. 2010, nº 08-19293, Arman c/ Ducasse
Mais attendu que la loi française est seule applicable aux droits réels dont sont l'objet des biens mobiliers situés en France ;
qu'ayant constaté que M. X... avait rapporté les œuvres en France en janvier 2007, où elles se trouvaient lorsque Mme Y...
les a revendiquées, c'est à bon droit que la cour d'appel a fait application de la présomption édictée à l'article 2279 du
Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008 ; que le moyen n'est pas fondé ; (rejet)

■ Faits
En 2000, un peintre reconnu a remis à un restaurateur français renommé, installé à New York, sept tableaux. Ces
tableaux ont été accrochés sur les murs du restaurant jusqu'à sa fermeture en 2006. Entre-temps, le peintre est
décédé en 2005. Le restaurateur a ramené les biens en France pour qu'ils soient vendus aux enchères. En 2007, la
veuve du peintre a revendiqué les tableaux. La cour d'appel a rétracté l'ordonnance ayant autorisé la veuve à procéder
à la saisie des tableaux.

■ Portée
Dans son pourvoi, la veuve contestait l'application de la loi française. Elle estimait que la loi américaine était au
contraire applicable. L'objectif de cette argumentation visait à faire reposer sur le restaurateur la charge de la preuve
de l'existence et de la validité du don manuel dont il se prévalait. Rejetant le pourvoi, la Cour de cassation rappelle
que « la loi française est seule applicable aux droits réels dont sont l'objet des biens mobiliers situés en France ».
Ce principe bien connu a été affirmé, pour la première fois, par l'arrêt Kantoor de Mas (Cass. req., 24 mai 1933) puis
repris par le célèbre arrêt Diac (Cass. 1re civ., 8 juill. 1969). La soumission des biens mobiliers à la lex rei sitae a pour
conséquence un changement de loi applicable suite au déplacement des biens d'un pays vers un autre.
Depuis Bartin, ce mécanisme est dénommé « conflit mobile ». Contrairement au conflit transitoire international qui
consiste en un changement de la teneur de la loi applicable ou de la règle de conflit, le conflit de lois dans le temps,
ayant son origine dans un conflit mobile, résulte de la mobilité du facteur de rattachement. Un élément de rattachement fixe exclut tout conflit mobile. Les circonstances de rattachement, telles que la nationalité, la résidence habituelle
et le lieu de situation de meubles, sont susceptibles d'être la source d'un conflit mobile.
En l'espèce, les tableaux ayant été déplacés des États-Unis vers la France par la volonté du restaurateur, le critère de
rattachement a été modifié. Faut-il appliquer la loi désignée par l'ancien rattachement, à savoir la loi américaine, ou
celle désignée par le nouveau facteur de rattachement, donc la loi française ?
L'enjeu n'est pas négligeable, dès lors que la loi française retient vis-à-vis du possesseur des biens litigieux une solution
plus favorable que ne l'est celle résultant de la loi américaine. Parmi les deux lois qui ont une vocation concurrente à
s'appliquer, la loi française l'emporte en tant que loi de la situation actuelle du bien.
La solution est très critiquée. Pour certains auteurs, la loi de la source en tant que loi de situation lors de l'entrée en
possession devrait recevoir une compétence de principe. Pour d'autres, « les conséquences néfastes de la territorialité
du droit français des biens » (d'Avout L., JCP G 2010, p. 284) pourraient être évitées par la substitution d'une
qualification probatoire à la qualification de fond privilégiée par la Cour de cassation (v. d'Avout L., préc.).
Les différentes propositions doctrinales auraient toutes entraîné l'application de la loi américaine. Dans l'affaire
rapportée, il est en effet surprenant que cette loi ne soit nullement prise en compte, ne serait-ce que pour déterminer
si un droit réel a été acquis aux États-Unis. La loi de la situation actuelle confère un droit de propriété résultant de la

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